Qwant, moteur de recherche français, poursuit sa progression. Sa promesse : garantir le respect de la vie privée de ses utilisateurs.
Il est un anniversaire récemment passé inaperçu et qui aurait mérité d’être plus largement médiatisé tant il remet en cause l’ordre établi dans le petit monde des moteurs de recherche sur Internet. Le 16 février dernier marquait les quatre années d’existence de Qwant, premier moteur de recherche français qui garantit le respect de la vie privée de ses utilisateurs. Loin de la légende « à la Google » où l’idée serait venue, une nuit, à l’étudiant Larry Page d’écrire son programme « PageRank » (Page comme Larry mais aussi comme les millions de pages du web) pour indexer et classer les centaines de millions de pages que comptait déjà le Web en 1996, l’histoire de Qwant repose sur cette même volonté de concevoir un outil de recherche, certes identique dans ses fonctionnalités, mais doté d’une approche philosophique radicalement différente.
Fallait-il que ses trois fondateurs (Jean-Manuel Rozan, Patrick Constant et Éric Leandri) soient fous au point de se prendre pour David forçant Goliath à mettre genou à terre ? Là n’est pas l’ambition de Qwant mais il n’empêche qu’en ce début d’année 2017 marquée par la remise en cause du « Privacy Shield » qui assure la protection des données personnelles des citoyens européens sur les serveurs américains et alors que Google reste omniprésent en Europe avec plus de 90% des requêtes internet qui transitent par ses algorithmes, Qwant, en tant que challenger, trouve progressivement son public jusqu’à atteindre 1 % de parts de marché en France (de l’ordre de 25 millions de visites par mois) tout en assurant son développement futur grâce à une récente levée de fonds de 18,5 millions d’euros auprès de la Caisse des Dépôts et du groupe de presse allemand, Axel Springer.
Moteur de recherche éthique
17 années après le lancement de Google et son incontestable réussite entrepreneuriale au point d’être devenue la première entreprise mondiale et marque la mieux valorisée au monde (109,5 milliards de dollars), les griefs à l’encontre de cette dernière ne manquent pas : pratiques anticoncurrentielles, optimisation fiscale, gestion de nos données personnelles… Sur tous ces thèmes, Qwant a tout pour séduire gouvernements et utilisateurs à la recherche d’une offre nouvelle et moins intrusive. Là réside la principale différentiation de Qwant. Si son fonctionnement reste tout à fait classique – saisie d’un sujet de recherche puis apparition de résultats incluant les réseaux sociaux et modèle économique reposant sur la méthode classique du paiement au clic des sites visités par les utilisateurs – la double promesse éthique de Qwant repose à la fois sur le fait de ne pas conserver les données de navigation de ses utilisateurs et de ne pas extrapoler les résultats obtenus pour en déduire les habitudes de navigation via de puissants algorithmes prédictifs. Quand Google et les autres navigateurs savent presque tout de nous et utilisent ces informations pour des actions de publicité personnalisées, Qwant fait du respect de la vie privée l’un de ses principaux arguments pour s’imposer auprès de ses utilisateurs. Commercialement, ce positionnement est habile à l’heure où la société numérique du tout contrôle effraie et que, comme dans toutes les activités économiques, savoir se différencier en proposant une alternative aux consommateurs est un incontestable atout. Celui de l’absence de ciblage publicitaire personnel et partant de l’éthique devrait permettre au plus petit des moteurs de recherche de s’imposer afin que ses utilisateurs soient en mesure de reprendre en main leur destin numérique.
Souveraineté numérique
A l’image du navigateur Firefox et de la fondation Mozilla qui assurent la promotion du logiciel « open source » afin de continuer à faire du Web un « bien commun », Qwant « lutte » à sa façon contre le poids exorbitant des GAFA. A ce titre, il participe à la stratégie nationale et européenne de souveraineté numérique. Entendant devenir une réponse alternative et crédible à la recherche sur internet grâce à ses solutions technologiques « maison », notamment son système d’intelligence artificielle, baptisé « Iceberg », Qwant n’a pas hésité à investir lourdement pour installer ses propres serveurs et équipes en France ; gage d’indépendance et de sécurité pour l’entreprise et ses utilisateurs. Si de futurs investissements seront encore à prévoir pour continuer à améliorer sans cesse la qualité des résultats et la rapidité d’exécution des requêtes Qwant doit aussi pouvoir compter sur les Etats Européens appelant régulièrement de leurs vœux l’exigence de souveraineté numérique. Un test grandeur nature est mené dans l’administration française ainsi qu’avec le ministère de l’Éducation nationale. Dans les écoles, Qwant Junior est ainsi devenu le moteur de recherche par défaut, garantissant aux enseignants et aux élèves que les résultats de leurs requêtes web ne seront pas pollués par des sites pornographiques ou violents.
Poursuivant sa stratégie de conquête, la sortie de l’application mobile Qwant sur les principales plateformes Apple et Google Android a été officialisée il y a quelques jours, un certain 16 février… Cette mise à disposition grand public pour des usages sur mobile devant permettre au « petit moteur » de voir désormais les choses en grand, bref d’affirmer « Qwant on veut on peut » !
Philippe Boyer
Directeur de l’innovation de la Foncière des Régions
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