Avec cet édito, Opinion Internationale inaugure son dispositif « présidentielle 2017 » avec la série Imagine France qui vous propose sujets et interviews sur les vrais enjeux de l’élection.
Lundi soir sur TF1, les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle sont entrés dans le vif de la campagne à moins de cinq semaines du premier tour. Exercice inédit sous la Vème République avant un premier tour, François Fillon, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron se sont affrontés dans un long débat de trois heures trente.
Première surprise : les échanges, parfois vifs, ont laissé au second plan les affaires qui ont secoué la campagne, même si Jean-Luc Mélenchon a pris un certain plaisir à dire haut et fort que lui n’était pas mis en examen.
Le débat de TF1 devait comporter trois thèmes : quel modèle social pour la France (éducation, écologie, sécurité, immigration…) ? Quel modèle économique (fiscalité, temps de travail et chômage) ? Quelle place pour la France dans le monde (construction européenne, rapports vis-à-vis de la Russie et des Etats-Unis, rôle de la France dans la lutte contre le terrorisme international).
Si les échanges ont été dans l’ensemble policés avec peu d’attaques et de pics, le débat n’a pas vraiment eu lieu. C’était plutôt une succession de courtes présentations de points de programme des candidats sans guère d’approfondissement.
Mais ce qui fut frappant, c’est la grande absente : l’Europe. D’Europe il a été peu question (sauf dans la bouche de Marine Le Pen qui l’a accusée de tous les maux), et pourtant l’ambition européenne est nécessaire… Dans l’intérêt de la France.
Certes, François Fillon a dénoncé : « le vrai serial killer, c’est Marine Le Pen avec la sortie de l’euro ». Le candidat LR s’est montré peu europhile, sa vision de l’Europe se limitant aux relations franco-russes très contestables car il justifia presque l’annexion, pourtant illégale au regard du droit international, de la Crimée ukrainienne par la Russie. Une Russie dont Mme Le Pen veut faire aussi un allié.
Cette dernière s’est employée à mettre en avant son « protectionnisme (soit-disant) intelligent », c’est-à-dire un repli de l’Europe, qui serait mortifère et suicidaire derrière des frontières fermées, oubliant d’expliquer comment une France isolée continuerait à exporter (un quart de l’emploi en dépend!).
Jean-Luc Mélenchon nous expliqua, lui, comment il fallait se retrancher de l’OTAN, comme si une hypothétique indépendance nationale permettrait de se défendre face aux menaces à l’est et au sud.
Sans parti pris, Emmanuel Macron s’est présenté comme le candidat le plus européen, mais on fut bien en peine de voir sa vision de l’Europe, somme toute floue et vague. Seul Benoît Hamon a prôné une Europe de la défense, à travers des coopérations industrielles et opérationnelles. Le seul réellement concret sur l’Europe. Il a aussi lancé l’idée d’un visa humanitaire européen pour les réfugiés.
Mais tout cela manquait d’une ambition plus globale.
L’Europe de la défense, c’est très bien, mais ce n’est pas un projet mobilisateur de toute une Europe déboussolée, en désarroi social et moral pour beaucoup de ses membres. Il faut plus, beaucoup plus pour relancer le projet européen. Celui-ci doit comprendre des dimensions politiques (dont la défense, sujet populaire), mais aussi sociales, économiques, culturelles, politiques et même spirituelles.
Il est temps que les candidats, sauf ceux qui, comme Marine Le Pen, sont hostiles par principe à l’Europe, partagent leur vision pour l’avenir de l’Europe et de ses peuples. La France seule ne parviendra à rien car son marché est trop petit, sa géographie trop étroite et sa population limitée face aux géants américains, africains et asiatiques. Elle doit œuvrer pour elle et pour l’Europe.
Une vision globale pour une ambition globale, c’est ce que nous attendons et non une caricature de débat européen comme c’est toujours le cas. A moins que les candidats ne considèrent la France que comme une puissance de second rang, qui n’a plus d’ambition européenne.
Mais à ce moment-là, autant le dire et ne pas accuser l’Allemagne de vouloir occuper les premiers rangs en Europe. Sur TF1, l’Allemagne a été trop souvent été brandie comme un épouvantail, alors que la force du couple franco-allemand aurait dû être mise en avant.
La France peut retrouver cette ambition européenne. Elle a toujours su être un moteur quand il le fallait. Sans elle, pas d’Europe unie et qui avance. Elle a une responsabilité européenne. Elle doit l’assumer. C’est le devoir des vrais hommes politiques devant l’Histoire française et européenne.
Nous appelons les candidats à la présidentielle à la défendre et la décrire sans tarder.
Edouard Pflimlin et Michel Taube