Edito
09H05 - vendredi 16 juin 2017

Macron et les sujets de philo du Bac. L’édito de Michel Taube

 

Des centaines de milliers de lycéens viennent de plancher sur la première épreuve du Bac, la philo. Même si enfin il n’est enfin plus interdit de redoubler, comme l’a précisé le nouveau ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, souhaitons que tous les candidats réussissent le Bac et se lancent dans la vie active et/ou les études supérieures !

Livrons-nous à un court exercice : les sujets du Bac de philo peuvent-ils inspirer la grille de lecture de cette ère nouvelle ère politique dans laquelle nous entrons de plain-pied ? Voyons plutôt…

Au Bac S, le sujet « Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ? » pourrait inspirer l’actuel Garde des Sceaux, François Bayrou, qui, malgré son obligation de neutralité dans toute affaire judiciaire, n’a pas manqué cette semaine de clamer l’innocence du MODEM dans le financement présumé par le Parlement Européen de la rémunération de certains collaborateurs du parti centriste. A trop défendre ses droits, ne risque-t-il pas de se retrouver écarté rapidement du pouvoir dont il était resté éloigné pendant vingt ans ?

Le droit à l’erreur des administrés (contribuables, employeurs…) est un des grands principes que le candidat Emmanuel Macron avait défendus pendant sa campagne présidentielle. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, vient tout juste d’annoncer dans Les Echos qu’un projet de loi en ce sens pourrait être proposé très prochainement. Et voilà que les mêmes candidats du Bac S ont-ils eu à plancher sur un texte difficile de Michel Foucault qui commence ainsi : « A la limite, la vie, c’est ce qui est capable d’erreur ». Et de conclure que « l’« erreur » constitue la dimension propre à la vie des hommes et au temps de l’espèce ». On peut se demander si ce n’est pas la campagne électorale et ses trop rares débats de fond qui ont donné à un professeur de philo l’idée de ce sujet. Pour notre part, dans le commentaire de ce texte, nous aurions développé l’idée que la politique des hommes a trop longtemps imposé des postures idéologiques c’est-à-dire utopiques au sens où elles ignorent la nature humaine. Une administration qui contrôle sans cesse et qui systématiquement ne fait pas de cadeau à ses administrés ignore à certains égards les hommes tels qu’ils sont. Sous certains régimes, cette ignorance de l’homme et notamment de son droit à l’erreur a pu conduire à des tyrannies et des millions de mort. Il est bon de savoir que tout pouvoir politique est tenté par cette méprise de l’homme. Il est préférable selon nous de gouverner et d’administrer selon l’homme tel qu’il est.

Revenons à François Bayrou pour conclure sur la loi de moralisation de la vie publique, acte 1 des années Macron. Les bacheliers en ES ont eu à commenter un texte de Hobbes qui a dû directement inspirer la démarche du ministre. Il y est notamment écrit : « Etant donné […] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme étant le plus profitable. » Et de conclure : « La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence. » C’est exactement ce qui est arrivé avec le Penelope Gate : on a passé sous silence l’emploi de conjoints par les parlementaires et ils en ont profité voire abusé… Mais le passage clé, selon nous, dans ce texte lucide de Hobbes, est dans la parenthèse : car cela serait impossible. En effet, le nouveau pouvoir voudrait nous faire croire que la loi sur la confiance des administrés vis-à-vis de nos gouvernants sera le sésame éternel qui va régler tous les écueils de la morale en politique. Bien entendu que non. Il est acquis que de nouvelles libertés apparaîtront demain comme des abus de l’éthique et que le pouvoir voudra les interdire à nouveau…

C’est l’éternelle histoire de la liberté politique des hommes…

Michel Taube

Directeur de la publication

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