Opinion Internationale publie en exclusivité les preuves que Guinot a bien été espionné par L’Oréal. Malgré le démenti du géant mondial, Jean-Daniel Mondin, le PDG de Guinot, maintient ses accusations.
A la suite de la publication le 15 juin dernier de nos révélations sur l’espionnage pratiqué par L’Oréal dans les instituts de beauté Guinot, L’Oréal a démenti à l’AFP nos propos et les a qualifiés de « totalement calomnieux, mensongers et diffamatoires », se réservant le droit « d’engager toutes actions appropriées ». Rassurons nos lecteurs…
Le communiqué de l’agence de presse est très instructif… Tout d’abord, Jean-Daniel Mondin, le président de Guinot, y confirme nos propos en disant : « L’Oréal a voulu espionner Guinot au profit de Carita par des méthodes déloyales ».
Ensuite, L’Oréal, dans ce même communiqué, fait un aveu en écrivant ceci : « Le groupe a toutefois confirmé qu’un « prestataire extérieur » avait mené « six entretiens » auprès d’esthéticiennes, mais qu’ils « ne visaient en rien à s’approprier un savoir-faire particulier ».
Cet aveu en dit long sur l’état d’esprit de L’Oréal depuis le déclenchement de l’affaire…
Nous nous étions déjà renseignés, mais, par acquis de conscience, nous l’avons refait auprès d’esthéticiennes. Toutes nous ont confirmé ce que nous subodorions : un seul entretien bien orienté permet de voler les secrets d’un institut de beauté au savoir-faire spécifique. D’autant que tous les affiliés fonctionnent exclusivement selon le même modèle, ce qui est du reste le propre d’une franchise. Un seul des six entretiens aurait donc suffi à s’approprier 100% du savoir-faire.
Parmi les documents – saisis par huissier suite à une ordonnance du Tribunal de commerce -, deux retiennent notre attention. Nous les publions ci-dessous. D’une part, la commande de la prestation d’enquête entre L’Oréal et la société d’enquête et d’autre part le rapport de synthèse de 39 pages. Ces documents prouvent que c’est bien L’Oréal qui est le commanditaire. Ensuite seules les marques Guinot et Carita y sont citées à l’exception de toute autre. Enfiin, ces documents prouvent que c’est la globalité du savoir-faire exclusif de Guinot, sa démarche subtile et singulière vis-à-vis des clientes de la marque, qui ont été l’objet de cette enquête. Par exemple, dans la synthèse de 39 pages, les questions sont très détaillées sur l’expertise Guinot : comment les esthéticiennes accueillent-elles les clientes, comment proposent-t-elles les soins, quelle est la durée et le prix d’un soin ? Quels sont les avantages des soins stars de Guinot ?…
Se pose ensuite un grave problème d’éthique des affaires, plus précisément en ce qui concerne la valeur de loyauté qui doit guider les concurrents qui se respectent : on ne décide pas d’une étude approfondie sur ce qui fait la valeur commerciale d’un concurrent en enquêtant sur son réseau de franchisés. Imaginez un enquêteur de chez Guinot aller rendre visite à Carita sans en informer L’Oréal…
Or, au vu de ces documents, l’enquête que L’Oréal a diligentée à un « prestataire extérieur » dans les instituts de beauté affiliés Guinot a été menée sous une fausse identité, en leur proposant de l’argent, et sans en avertir ce dernier…
Rappelons que L’Oréal, comme nous l’écrivions dans notre article, a une charte d’éthique qui propose à ses collaborateurs des principes à adopter quand il s’agit de s’informer sur ses concurrents. Dans cette Charte, les principes sont intégrité, respect, transparence et courage.
La liberté d’entreprendre nécessite un minimum de respect dans un monde des affaires sans merci
Ceci dit, il y a un point sur lequel nous devons des explications à nos lecteurs… Opinion Internationale ne se pose nullement en justicier (et se méfie de tout discours moral en politique et en économie) mais il est une valeur fondamentale que nous promouvons depuis notre lancement : la liberté d’entreprendre. Elle nous importe autant que le respect des droits humains civils et politiques. C’est ce qui fait de nous un média singulier, libéral au sens fort et 360° degrés du terme car, bon sang, qu’il est souvent difficile d’expliquer à un chef d’entreprise que le respect des droits de l’homme partout dans le monde est bon pour le business et que le soutien aux chefs d’entreprise est bon pour les défenseurs des droits humains. C’est cela pour nous la RSE, la fameuse responsabilité sociétale des entreprises, qui concerne notamment la gouvernance des entreprises et le comportement éthique de leurs dirigeants. Et dans laquelle, évidemment, nous incluons aussi le respect de l’environnement.
Au final, des patrons comme Jean-Daniel Mondin, comme les esthéticiennes qui font fonctionner les instituts de beauté, ce sont elles et eux qui font vivre l’économie française et qui sont une vitrine pour le rayonnement de la France à l’international. Et tout ce qui les menace, tout ce qui les affaiblit, comme la concurrence déloyale d’une multinationale trop déconnectée des réalités, et par ailleurs très engagées dans la RSE (ce qui l’oblige…), doit faire l’objet de toute notre attention pour informer et bâtir une société plus libre et plus juste. C’est aussi là que se joue la moralisation de la vie publique…
Michel Taube