Cet article inaugure IMAGINE FRANCE, la nouvelle rubrique de la France des libertés, des innovations et des transitions, animée par animée par Philippe Boyer, blogueur et écrivain, et Raymond Taube, directeur de l’Institut de Droit Pratique, en partenariat avec StragIS, expert en gouvernance des transitions, et le club e-santé du Ceps.
A l’ouest, la Silicon Valley, berceau mondial de l’innovation technologique. A l’Est, l’Estonie, petit pays du nord de l’Europe, pionner en matière d’Etat numérique. Au centre, la France et ses nouvelles ambitions numériques. Un des défis majeurs des années Macron qu’inaugurent les Français.
A la veille de la visite en Estonie du premier ministre Edouard Philippe, où il sera beaucoup question de numérique, à deux jours de l’inauguration par Emmanuel Macron de la station F à Paris, le plus grand campus mondial de start-up, et à quelques jours de la présidence estonienne de l’Union européenne, la conversion de la société française au tout-numérique est-elle annoncée ?
Il se passe quelque chose en France… « Siliconisation » (terme emprunté au philosophe Eric Sadin, auteur en 2016 de « La siliconisation du monde. L’irrésistible expansion du libéralisme numérique ») et « Estonisation » sont peut-être les deux néologismes qu’il convient de retenir quelques jours après la clôture de Viva Technology. Outre que pour sa deuxième édition, ce salon des nouvelles technologies s’est déjà imposé comme une référence internationale à l’instar du « CES » (Consumer Electronic Show), autre salon dédié aux nouvelles technologies organisé chaque début d’année à Las Vegas, ce millésime 2017 a permis de dépasser la simple tendance « innovation washing » en faisant du secteur du numérique une « ardente obligation« . Une nouvelle ère industrielle commence : le Général de Gaulle voulait doter la France d’une politique d’aménagement du territoire digne de ce nom… Cette nouvelle ardente obligation numérique ne vise rien d’autre que de faire de notre pays une référence mondiale en matière d’innovation.
Dans un discours (terminé en anglais), le président de la République a exposé à VivaTEch sa vision pour faire de la France ce pays leader en matière de développement de l’écosystème start-up. Expliquant que le seul choix qui s’offre à nous est de « refuser le monde tel qu’il est en train de se transformer ou bien d’y réussir et d’en devenir les leaders », les ambitions sont claires : ancrer l’esprit d’audace caractéristique de la Silicon Valley, berceau du numérique et de ses plus belles références (Google, Apple, Facebook, Uber, Netflix… ). Reste que cette « Siliconisation » espérée ne tombera pas du ciel. Elle ne deviendra réalité qu’en conjuguant plusieurs ingrédients. D’abord, le capital. Ce dernier pour favoriser l’émergence de nouveaux projets et rendre ainsi l’innovation possible. La création d’un nouveau fonds pour l’innovation – confié à la Banque Publique d’Investissement – doté de 10 milliards d’€ devrait constituer cette bouffée d’oxygène indispensable à tous les acteurs du numérique. Pour autant, l’argent seul ne suffira pas. Pour que cette transformation devienne réalité il faudra ensuite y ajouter un autre ingrédient, celui-là plus difficile à quantifier car il relève d’un trait de caractère, voire d’un état d’esprit. Qu’on appelle cela « l’audace », « la prise de risque » ou encore « la transgression positive », notre pays ne manque pas de cette capacité à imaginer de nouveaux services ou produits… Certes, le nombre de licornes françaises se compte encore sur les doigts d’une seule main (Blablacar, Criteo….) mais quand l’audace se marie au savoir, à l’intelligence et aux capitaux il y a tout à parier pour que ce vœu politique de « start-up nation » dépasse le stade de la seule incantation.
Jeudi 29 juin, Emmanuel Macron pourra poursuivre son engagement pour une e-France assumée et ambitieuse en inaugurant la station F, le plus grand campus de start-up mondial, imaginé par Xavier Niel, au cœur de Paris dans la fameuse Halle Freyssinet (Paris XIIIème).
Le modèle estonien
Quant à « l’Estonisation », il s’agit cette fois de préparer les esprits à l’avènement d’un « Etat plateforme ». À l’instar de l’Estonie, petit pays de 1,3 million d’habitants qui, au 1er juillet prochain prendra la tête de l’Union Européenne, il s’agira pour la France d’emprunter un chemin numérique identique permettant, souhaitons-le, d’avoir accès aux mêmes ressources que celles disponibles pour tous les Estoniens : vote en ligne, carte d’identité numérique intégrant les données personnelles, démarches administratives numériques facilitées en matière de création d’entreprises, tant pour les résidents que pour les « non-Estoniens »… Avec plus de 1.000 services publics « on-line », ce pays de la Baltique est ainsi devenu une référence mondiale en matière de transformation digitale. Pour notre pays, le cap est fixé : d’ici à 2022, la France devra elle aussi devenir une « e-nation ». Cela passera notamment par la numérisation de la quasi-totalité de nos procédures administratives, encore souvent vécues comme autant de lourdeurs qui éloignent les citoyens de leurs services publics. Outre cette indispensable évolution de notre appareil administratif en l’adaptant à notre époque, cette exigence de numérisation devant contribuer à revivifier la démocratie. Le numérique se mettant au service de la vie quotidienne des citoyens.
Philippe Boyer
Philippe Boyer est un blogueur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Siècle Digitale, Opinion Internationale…
Il est actuellement Directeur de l’innovation d’un des plus importants groupes immobiliers européens.
Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique :
- « Ville connectée- vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015)
- « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017)
Diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), Philippe Boyer a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains.
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