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18H31 - jeudi 29 juin 2017

« Ce n’est pas moi qui accuse L’Oréal, ce sont les preuves ! » : entretien avec Jean-Daniel Mondin, PDG fondateur des Instituts de beauté Guinot

 

Dans le cadre de son enquête sur l’affaire L’Oréal – Guinot, Opinion Internationale a rencontré le PDG de Guinot. L’Oréal, que nous avons aussi contacté, dès publication de notre article, a refusé de répondre.

Monsieur Jean-Daniel Mondin, Opinion Internationale a publié une enquête (FRENG), suivie d’un édito, sur l’espionnage économique de vos Instituts de beauté Guinot par L’Oréal. Tout d’abord, je souhaiterais que vous réagissiez au communiqué de presse de L’Oréal démentant les faits rapportés.

Le démenti de L’Oréal est démenti par les faits et tous les documents de preuve saisis par la justice. Ce n’est pas moi qui accuse L’Oréal, ce sont les preuves ! Le démenti de L’Oréal n’est qu’une posture destinée à rassurer les salariés de l’entreprise sur les agissements de ses dirigeants. En fait, depuis le début de cette affaire, L’Oréal s’enferme dans le déni et le mensonge. C’est extrêmement grave dans un contexte où chacun parle de moralisation.

Il s’agit d’une appropriation déloyale de savoir-faire suivie d’une série de mensonges organisés par les dirigeants de L’Oréal voulant exonérer de leur responsabilité Carita, et donc L’Oréal professionnel, qui est le concurrent commercial direct de Guinot. 

Je maintiens que les instituts de beauté Guinot ont bien été espionnés par une société d’enquête commanditée par L’Oréal dans le cadre d’un contrat que nous avons fait saisir.

C’est maintenant à la justice de trancher car j’ai assigné L’Oréal devant le Tribunal de commerce et je compte sur la sagesse du tribunal pour aborder ces faits gravissimes avec sérénité et fermeté.
 

Que reprochez-vous principalement à L’Oréal ?

Il en est des litiges comme des pêchés. Il y a les litiges véniels et les litiges mortels… 

Je parlerai moins en tant que victime de procédés déloyaux sur le plan de la concurrence qu’en tant que membre, de longue date, d’une profession que je connais bien, qui a ses habitudes et ses pratiques de respect entre confrères, avec lesquels j’entretiens toujours des rapports loyaux. 

Les dirigeants de L’Oréal ont trahi leur Charte d’éthique : tout d’abord en diligentant à notre insu une enquête sur les secrets du savoir-faire de nos Instituts Guinot. L’Oréal avoue elle-même son « crime » en commanditant une « étude approfondie » auprès des esthéticiennes et consommatrices qui ne laisse aucune équivoque sur sa finalité. L’objectif de cette étude était donc de s’approprier un savoir-faire en institut de beauté que L’Oréal n’a pu acheter puisque je n’ai pas donné suite à la proposition de rachat de Guinot  par L’Oréal. Ensuite, L’Oréal a encore méprisé sa propre charte d’éthique par ses mensonges répétés. 

De plus, Jean-Paul Agon n’a jamais daigné me rencontrer alors qu’un simple entretien entre patrons aurait permis de trouver une issue honorable à cette affaire. 

J’ajoute que lorsque j’ai proposé une médiation, L’Oréal a fait en sorte que soit nommé comme médiateur une personnalité acoquinée avec son avocat. Ce n’est pas sérieux ! Nous sommes en 2017 et une multinationale ne peut plus se permettre de piller impunément le savoir-faire de ses petits concurrents en violation de sa propre charte d’éthique. 

 

Mais justement, l’éthique des affaires n’est-elle pas constamment bafouée dans le monde du business ?

Non Monsieur, je ne le crois pas. Je vous rappelle que la charte d’éthique de L’Oréal met en exergue quatre principes moraux : l’intégrité, le respect, le courage et la transparence. Les dirigeants de L’Oréal feraient bien de l’appliquer, ou de la faire appliquer au lieu de s’en servir comme paravent de leurs turpitudes !

Vous savez, notre groupe n’a pas de Charte d’éthique mais je puis vous dire que nous nous efforçons de la pratiquer tous les jours. Notre société fabrique tous les produits en France, elle ne distribue pas de dividendes,  ce qui nous permet d’investir tous les bénéfices dans notre développement. C’est la clé de notre éthique. 

Le préjudice est gravissime notamment aux Etats-Unis où une signature de Master franchise a été repoussée. En effet, nous sommes obligés de signaler ce litige aux futurs partenaires et les master franchisés potentiels ne veulent pas acquérir les droits d’un concept dont L’Oréal s’est approprié le savoir-faire. Ils attendent donc la fin du litige pour se décider. Par ailleurs, en France, notre réseau d’instituts de beauté Guinot affiliés est déstabilisé.
 

Qu’avez-vous à dire à Monsieur Agon ? Et si vous étiez Monsieur Agon, comment agiriez-vous ? 

Avec Lindsay Owen-Jones, son prédécesseur, ça ce ne se serait pas passé ainsi. Il aurait pris la mesure du problème et l’aurait réglé  en une heure en me rencontrant. Bref, à la place de Monsieur Agon, j’irais voir directement le chef d’entreprise concurrent pour bien comprendre les défaillances des équipes de L’Oréal et je mettrais de l’ordre dans ma société. Car, je le rappelle, on ne vole pas les secrets vitaux d’une entreprise que l’on veut racheter et on n’espionne pas un concurrent protégé par des clauses de confidentialité. L’Oréal a non seulement violé le contrat de confidentialité lié à l’acquisition potentielle de Guinot mais aussi le contrat de confidentialité qui nous lie à nos esthéticiennes affiliées par lequel elles s’engagent à ne pas divulguer leur savoir-faire.


Vous seriez prêt à rencontrer Monsieur Agon ?

Oui, bien entendu mais s’il ne l’a pas fait, il doit avoir ses raisons. 

 

Propos recueillis par Michel Taube

 

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