Imagine France
22H15 - mercredi 5 juillet 2017

Casper Klynge, la Commission européenne et les GAFA. La chronique Imagine France de Philippe Boyer.

 

Si les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) règnent en maître sur la planète numérique, les Etats et les citoyens s’organisent pour contrer leur propension à abuser de leur position dominante.

IMAGINE FRANCE, la nouvelle rubrique de la France des libertés, des innovations et des transitions, animée par Philippe Boyer, blogueur et écrivain, et Raymond Taube, directeur de l’Institut de Droit Pratique, en partenariat avec StragIS, expert en gouvernance des transitions, le club e-santé du Ceps (Centre d’Etude Prospective et Stratégique) et Futuria Production (Innovative Events).

 

 

Drôle de coïncidence. Alors que Casper Klynge[1], nouvel ambassadeur danois auprès des GAFA, s’apprête à boucler ses valises pour aller s’installer dans la Silicon Valley, au plus près de ces géants multi-milliardaires de l’informatique, l’actualité se charge de nous rappeler que si ces firmes technologiques ne sont pas des Etats, elles en ont presque tous les signes distinctifs… A commencer par leur poids financier. D’ici à 2018, les chiffres d’affaires consolidés de ces entreprises américaines qui règnent en maîtres sur le monde numérique devraient avoisiner les 600 milliards de dollars, soit environ le PIB de la Suisse.

Comme si cela ne suffisait pas, ces entreprises peuvent également se targuer de posséder de jolies réserves de trésorerie estimées à près de 400 autres milliards. Bien sûr, il y a ces sommes considérables mais celles-ci ne sont presque rien face à l’influence de ces entreprises mondiales qui sont devenues en à peine dix années des « quasi-Etats ».

Facebook vient d’annoncer que la barre symbolique des 2 milliards d’utilisateurs mensuels vient d’être franchie et que la firme s’apprête à concurrencer frontalement Netflix via la production de ses propres séries[1] tout en s’érigeant diffuseur exclusif de rencontres sportives[2].

En même temps, Google vient tout juste d’être sanctionné : 2,4 milliards d’euros d’amende infligée par Bruxelles pour abus de position dominante de son comparateur de prix Google Shopping.

Si cette décision a surpris par son ampleur et sa fermeté, sans doute due à la pugnacité de Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence, ce fait d’actualité est historique à plus d’un titre. D’abord, parce qu’il prouve qu’aussi complexe et escarpé soit-il, le chemin à emprunter pour remonter jusqu’à la vérité des chiffres et des faits numériques est possible.

Si on s’est longtemps demandé comment prouver d’éventuels manquements au droit fiscal et/ou de la concurrence, la décision de Madame Vestager, contre laquelle Google dispose de 90 jours pour « faire respecter le simple principe d’égalité de traitement entre les services concurrents de comparaison de prix et son propre service », ouvre la voie à d’autres procédures judiciaires de ce type en Europe.

 

Regain de souveraineté des Etats

Ensuite, parce que cette décision, au-delà de son caractère économique a également un sens politique : celui d’un regain de souveraineté des Etats. Du fait de l’emprise croissante de ces entreprises dans nos vies (Google capte près de 90% des requêtes sur les moteurs de recherche), les Etats tentent de s’organiser pour riposter ou pour le moins contenir la mainmise de ces GAFA dans nos vies. Bien sûr, il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain mais de faire en sorte que la souveraineté des Etats, et en particulier leur souveraineté numérique, ne soit pas rangée au rang des anciennes marottes d’un ancien monde sous le prétexte que ces GAFA et autres BATX (les géants du Web chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) ont étendu leur influence auprès de presque toute la population mondiale.

Si ce qui nous arrive de ce « nouveau monde » peut être le meilleur – l’accès infini à la connaissance, de nouvelles façons de relier les hommes, la découverte de technologies capables de nous aider à mieux vivre – il n’empêche qu’il nous faut savoir garder raison et veiller à ce que ces technologies qui révolutionnent nos vies et les firmes qui les développent ne soient pas tentées d’abuser de leur position dominante.

Si Napoléon avait coutume de dire que « la diplomatie est la police en grand costume », que Monsieur l’Ambassadeur Casper Klynge endosse vite ses nouveaux habits de diplomate en se rendant auprès des représentants de ces GAFA.

Philippe Boyer

 

Philippe Boyer est un bloggeur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Siècle Digitale, Opinion Internationale…

Il est actuellement Directeur de l’innovation d’un des plus importants groupes immobiliers européens.

Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Ville connectée- vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015) et « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017).

Diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), Philippe Boyer a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains.

 [1] http://scandasia.com/casper-klynge-to-be-denmarks-first-digital-ambassador/

[2] https://m.usbeketrica.com/article/prets-a-regarder-vos-series-facebook-sur-facebook

[3] http://sport24.lefigaro.fr/le-scan-sport/2017/06/28/27001-20170628ARTFIG00126-facebook-nouveau-diffuseur-de-la-ligue-des-champions.php

Les articles, interviews et tribunes publiés par la Rédaction d’Opinion Internationale n’engagent que leurs auteurs.

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Michel Taube