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12H15 - vendredi 15 septembre 2017

Si tu ne viens pas aux GAFAM, les GAFAM iront à toi. La chronique Imagine France de Philippe Boyer

 

IMAGINE FRANCE, la rubrique de la France des libertés, des innovations et des transitions, animée par Philippe Boyer, blogueur et écrivain, et Raymond Taube, directeur de l’Institut de Droit Pratique, en partenariat avec StragIS, expert en gouvernance des transitions, le club e-santé du Ceps (Centre d’Etude Prospective et Stratégique) et Futuria Production (Innovative Events).

Il faudra bien s’y habituer. Nos maisons accueilleront sous peu de nouveaux occupants. Non qu’il s’agisse de faire place à de nouveaux individus mais plutôt à de nouvelles machines, mi-homme mi-robot, censées être aux petits soins pour toute la famille. Qu’ils se nomment Alexa (Amazon), Google Home (Google), Siri ou Home Pod (Apple), ce sont le plus souvent de douces voix féminines rassurantes qui nous écoutent et nous viennent en aide pour toutes sortes de demandes, façon concierge d’un hôtel de luxe. 

Pour conquérir ce nouveau marché des objets connectés pour la maison, Google a lancé début août Google Home, l’enceinte connectée avec assistant virtuel, devançant l’arrivée en France de ses principaux concurrents, à commencer par « Echo » d’Amazon. Si, sur la forme, rien de bien révolutionnaire ne se dégage de cet objet cylindrique haut d’à peine quelques centimètres, la force de ces objets se cache à l’intérieur. Dotés de fonctionnalités de reconnaissance vocale et intégrant de l’intelligence artificielle, ils sont à même d’effectuer différentes tâches, comme lancer un morceau de musique, effectuer une recherche sur Internet, prendre des rendez-vous et les ajouter dans un agenda personnel, piloter les appareils connectés de la maison (luminaires, stores, chauffage…) tout en emmagasinant, au fil des requêtes, des sommes colossales d’informations personnelles.

Si c’est gratuit, c’est parce que le produit c’est vous  

Si le marché de la domotique est encore modeste, il est appelé à grossir rapidement au fur et à mesure que les objets connectés de toutes natures (électroménagers, wearables liés à la santé…) vont commencer à envahir notre quotidien. C’est sur ce marché prometteur que les géants du web se positionnent à présent. Pour les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), l’enjeu n’est pas seulement de vendre du hardware mais plutôt de réussir à placer ces machines au cœur de chaque foyer pour tout apprendre sur les habitudes de vie et de consommation des membres de la famille. C’est cette connaissance fine qui vaut de l’or. Avec Google Home, la formule « Si Google est gratuit, c’est parce que le produit c’est vous » ne se dément pas. Moyennant 149 euros, les heureux possesseurs d’une Google Home invitent l’intelligence artificielle à pénétrer au cœur de leurs maisons en lui ouvrant les portes de notre intimité via le recueil permanent de données de toutes sortes. Cette voix suave et zélée dont le seul but est de nous rendre la vie plus facile saura progressivement presque tout, enregistrera tout (fin 2016, Alexa d’Amazon a été cité comme témoin dans une affaire de meurtre) se souviendra de tout et, à ce titre, influencera nos comportements en nous rendant paresseux, peut-être, dépendants, certainement. Et comme Google Home sait nous rappeler qu’il « apprend encore » – les prochaines versions tireront parti des données recueillies auprès des utilisateurs pour améliorer le service – à chacun d’estimer si les avantages de ces nouveaux majordomes virtuels l’emporteront sur les inconvénients liés à la maitrise de notre libre-arbitre.

A l’école des GAFAM 

Il est un autre domaine où la percée des GAFAM dans notre quotidien est appelée à prendre de l’ampleur. Depuis quelques semaines, la Direction du numérique éducatif du ministère de l’éducation nationale a autorisé les chefs d’établissements à avoir recours aux outils pédagogiques proposés par Google ou Microsoft. Si cette ouverture aux services numériques fournis par les grands fournisseurs du web n’est pas une nouveauté, l’affaire suscite néanmoins de nombreuses réactions à commencer par celle de la CNIL qui, dans un communiqué, « appelle à un encadrement des services numériques dans l’éducation… qui puisse fixer un cadre de régulation adapté qui protège de façon effective les données personnelles des élèves et de enseignants. ». Si le débat n’est évidemment pas d’être pour ou contre à la numérisation de l’école – les technologies numériques sont un outil formidable au service d’une pédagogie renouveléela question est évidemment celle du contrôle et de la maîtrise de ces outils. 

Dans ce domaine si sensible qu’est l’éducation et où l’enjeu porte autant sur le fait « d’apprendre à apprendre » que de savoir maîtriser ces nouveaux outils qui font à présent partie de nos vies, il est clair que les attentes des acteurs économiques ne sont pas les mêmes. D’un côté, les GAFAM qui ont pour objectif de proposer (d’offrir) des contenus éducatifs avec, au passage, la capacité à fidéliser des millions de futurs clients, et de l’autre, l’institution publique qui a pour mission d’éveiller et de faire grandir en inculquant curiosité et esprit critique. Au final, et dans cette bataille qui a déjà commencé, la question centrale étant celle de faire émerger de simples consommateurs ou bien de vrais citoyens éclairés.

Philippe BOYER

Philippe Boyer est un blogueur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Siècle Digitale, Opinion Internationale…

Il est actuellement Directeur de l’innovation d’un des plus importants groupes immobiliers européens.

Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017), « Ville connectée – vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015).

Diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), Philippe Boyer a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains.

Les articles, interviews et tribunes publiés par la Rédaction d’Opinion Internationale n’engagent que leurs auteurs.

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