Xi Jinping a défini l’avenir de la Chine à l’horizon 2050. L’innovation occupera une place centrale. Un objectif autant économique que géopolitique.
Telle l’armée de soldats en terre cuite de l’armée de l’empereur Qin, les 2.287 congressistes qui ont assisté il y a quelques jours au 19ème Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC) ont dû prendre leur mal en patience à l’écoute de leur chef : Xi Jinping. Un discours-fleuve de politique générale de trois heures et demi qui permettra peut-être à Xi Jinping d’inaugurer l’ère du « xiisme » après celle du « maoïsme » et celle du « dengisme » (Deng Xiaoping). Ce discours mérite que l’on s’y arrête tellement il trace la route de ce que sera la Chine à horizon 2050. Si personne ne peut plus douter que la montée en puissance de l’Empire du Milieu est désormais incontestable tant sur les sujets géopolitiques, militaires, industriels que culturels, pour le secrétaire général du Comité central du PCC; il s’agit aussi de renforcer le leadership de son pays sur la technologie et l’innovation.
Pour Xi Jinping, vu par le magazine économique The Economist comme l’homme le plus puissant du monde, le socialisme à la chinoise a encore de beaux jours devant lui. Que cela passe par le renforcement d’une « armée de classe mondiale » capable de combattre et de remporter des guerres – message direct adressé à l’attention des indépendantistes de Hong-Kong ou du pouvoir de Taiwan – ou par la volonté de faire de son pays une « belle Chine » engagée dans les questions environnementales, l’homme fort de la Chine entend également accélérer les réformes économiques qui permettront notamment de tirer les 80 millions de pauvres vers les classes moyennes.
Parmi l’ensemble des thématiques abordées dans les propos du dirigeant chinois; il en est une qui démontre sa volonté de faire de son pays une « puissance mondiale prépondérante » dans les domaines économiques, scientifiques et technologiques. Sur ce dernier sujet, cela fait déjà plusieurs années que le géant asiatique est passé du statut d’usine de la planète à celui de centre de recherche. Boosté par une croissance économique qui oscille entre les 7 à 8% selon les années, c’est en Chine que l’évolution des investissements technologiques a été la plus importante. De l’ordre de 50 milliards de dollars en 2016 contre à peine 1 milliard en 2010. En matière de dépenses consacrées à l’innovation, la tendance est tout aussi stratosphérique : d’ici à 2020, l’objectif étant de consacrer 2,5 % du PIB national à l’innovation. Si la Chine représente déjà près de 18% des dépenses mondiales en matière de R&D, cette course à l’investissement dans les technologies du futur lui permettra, sans en douter, de rester en haut du podium mondial de l’innovation, dépassant les efforts d’investissement des Etats-Unis et de l’Europe.
BATX contre GAFA
Désormais centre de gravité de l’innovation mondiale, la Chine a déjà commencé à montrer ses muscles dans le secteur numérique. Qu’ils s’appellent Baidu, Alibaba, Tencent ou Xiaomi (BATX), ces nouveaux dragons du numérique nés à la fin des années 90 concurrencent de plein fouet les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) de la Silicon Valley. Sur des secteurs identiques à ceux des GAFA – le commerce en ligne pour Alibaba, la messagerie et les réseaux sociaux pour Tencent (éditeur du célèbre réseau social WeChat), le moteur de recherches pour Baidu – ces mastodontes de l’internet poursuivent leurs développements. D’abord sur leurs marchés intérieurs sur lesquels ils peuvent compter sur un potentiel de 750 millions d’internautes chinois à comparer aux 300 millions aux Etats-Unis et 410 millions en Europe. Aidés par une démographie porteuse (70 % de la population a moins de 30 ans), une soif de consommation (il se vend en Chine autant de téléphones 4G qu’en Europe et Etats-Unis réunis sans parler du fait que le nombre d’internautes en Chine a été multiplié par 7 au cours des 10 dernières années) ainsi qu’une réglementation nettement protectionniste, ces BATX poussent à présent leurs pions sur de nombreux sujets et au-delà de l’Empire du Milieu.
Intelligence artificielle, génomique… l’appétit d’ogre de l’Empire du Milieu
Surfant sur l’explosion mondial du commerce en ligne et de la technologie à portée de tous, les BATX étendent désormais leur emprise respective en investissant des milliards de dollars sur les sujets que l’on pensait « réservés » aux seuls GAFA : génie génétique, intelligence artificielle, voiture autonome, Big Data, réalité virtuelle… Ce futur combat des titans entre Chine et Etats-Unis a déjà commencé sur le sujet stratégique de l’intelligence artificielle. La Chine y investira un plus de 13,5 milliards de dollars sur les 3 prochaines années dans le but de concurrencer les GAFA et ainsi rattraper son retard et dépasser les budgets consacrés par ces derniers sur ce domaine. A mi-chemin entre l’intelligence artificielle et la médecine du futur, l’intérêt de la Chine pour la génomique ne se dément pas. Start-up et combinats d’Etat travaillent conjointement pour hisser la Chine au rang de futur leader capable de maîtriser l’ensemble des dimensions numériques de ce sujet encore balbutiant mais porteurs d’enjeux financiers et… éthiques. « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera » écrivait Alain Peyrefitte en 1973. Plus de 40 ans plus tard, le tome 2 serait à écrire avec pour titre évident : La Chine s’est éveillée et le monde tremble.
Philippe BOYER
Philippe Boyer est un blogueur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Siècle Digitale, Opinion Internationale…
Il est actuellement Directeur de l’innovation d’un des plus importants groupes immobiliers européens.
Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Ville connectée – vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015) et « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017).
Diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), Philippe Boyer a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains.
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