A la veille du Sommet Union Africaine – Union Européenne qui se tient demain à Abidjan, tribune de la première Dame de Côte d’Ivoire.
Loin d’être une douloureuse cicatrice appartenant au passé, le recours aux enfants soldats demeure une pratique répandue dans les zones de conflits. Le 26 juillet dernier à Addis-Abeba (Éthiopie), la 706e réunion du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union africaine était justement consacrée à cette inquiétante question, à laquelle l’éducation reste la meilleure des réponses.
100 000 enfants libérés en 20 ans
230 millions d’enfants dans le monde vivent dans des régions en proie à un conflit, selon l’Unicef. Pas étonnant, donc, que parmi eux, certains rejoignent les rangs des quelques 250 000 enfants soldats répartis dans une vingtaine de pays. Autant de mineurs, filles et garçons, enlevés à leurs familles ‒ parfois dès l’âge de six ans ‒ pour participer à des conflits qui ne les concernent en rien. Alors que leur place est auprès de leurs proches, ces corps fragiles, doublés d’esprits innocents, sont plongés dans des luttes armées.
Ces 20 dernières années, l’organe de l’ONU dédié à la protection de l’enfance a pourtant mené de nombreuses actions contre ce phénomène : plus de 100 000 d’entre eux auraient ainsi été libérés et réinsérés dans 15 pays à travers le monde depuis 1998, dont 11 400 depuis 2010.
Avec près de 130 000 mineurs directement impliqués dans des conflits armés, soit plus de la moitié de leur nombre total, l’Afrique paie aujourd’hui encore un très lourd tribut sur sa jeunesse. Selon le communiqué de l’Union africaine faisant suite à la 706e réunion du CPS, les enfants soldats sont principalement recensés dans les régions suivantes du continent: la Corne de l’Afrique, le bassin du Lac Tchad, le Sahel et l’Afrique du Nord. Lors de leurs échanges, les représentants africains ont rappelé les multiples traités protégeant les droits des enfants à travers le monde. Toutefois, devant des chiffres toujours aussi préoccupants, ils ont bien dû reconnaître les limites de ces textes, s’engageant à faire de la lutte contre l’utilisation d’enfants en zones de guerre une priorité pour les années à venir.
L’éducation, meilleure arme contre la violence
Pour expliquer l’augmentation des enrôlements d’enfants-soldats, les membres du CPS ont souligné des causes telles que la pauvreté, le sous-développement, les inégalités et, surtout, la déscolarisation. Afin de développer la coordination des pays dans la lutte contre ce phénomène, les délégués de l’Union africaine ont insisté sur l’importance de l’éducation. Cette question sera à présent considérée comme un thème annuel pour les futurs sommets de l’organisation panafricaine.
Suite à cette nouvelle prise de conscience, la coopération des nations concernées pour améliorer l’accès à l’éducation paraît en effet la solution indispensable. Sensibiliser à l’encadrement scolaire et aux risques de désœuvrement de certains jeunes, plus enclins à sortir du système éducatif et donc à rejoindre une milice, doit demeurer une priorité des États et des ONG. Ce travail de fond est notamment mené depuis près de 20 ans en Côte d’Ivoire par la Fondation Children of Africa, que je préside.
En coordination avec le gouvernement ivoirien et les agences publiques nationales, la Fondation multiplie les programmes d’actions en vue d’encourager la scolarisation et l’éducation des enfants ivoiriens : distribution de kits scolaires (tenues, cartables et fournitures) dans les zones défavorisées ; dons d’équipements, de denrées alimentaires non périssables et de vivres à des écoles ; affrètement de bus-bibliothèques, appelés communément Bibliobus, qui sillonnent le pays pour donner le goût de la lecture aux enfants vivants dans les zones les plus reculées etc. Tout récemment encore, le 27 octobre dernier, la Fondation offrait 500 kits scolaires aux écoles primaires des villages de Poro et de Kablaké 1 et 2. La Fondation a déjà touché plus de 200 000 jeunes ivoiriens à travers ses différentes formes d’intervention.
L’accès à une éducation de qualité permet d’offrir une alternative encourageante aux enfants et à leurs familles. À terme, la scolarité renforce la cohésion d’une société et facilite l’intégration sur le marché du travail, autant de facteurs qui diminuent les risques de crises et de conflits armés. L’école est donc la clef de voûte incontournable pour toute politique publique qui ambitionne de mettre fin à l’utilisation d’enfants sur le champ de bataille.
Dominique Nouvian Ouattara