Quatre jours ! C’est la durée totale, pleine et entière qu’effectuera, à partir de ce vendredi 1er décembre, le Premier Ministre Edouard Philippe, sur le sol calédonien. Le Chef du Gouvernement y débarque, un mois après l’accord de Cassini, qui a vu les représentants et leaders des principales forces politiques élues au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, s’entendre sur l’essentiel du corps électoral calédonien dans la perspective du référendum mettant fin au processus initié par l’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998.
Comme rien n’est décidément simple en Nouvelle-Calédonie, Edouard Philippe sera accueilli dans un même élan par les honneurs militaires d’un côté et par le déshonneur de cette même classe politique de l’autre qui s’entend sous les ors de la République et se divise une fois de retour au pays, symbolisé par un président du Gouvernement, qui faute d’avoir encore été élu, expédie les affaires courantes depuis le 31 août. Les partis des ministres indépendantistes ayant décidé de laisser « ceux de la Droite locale » se débrouiller seuls pour une solution elle-même problématique. L’abstention des 5 indépendantistes et l’opposition d’un non-indépendantiste est donc la règle depuis lors.
A moins que, suprême onction des visites d’Etat, un déblocage négocié in extrémis, par l’apport d’un ou plusieurs ministres indépendantistes crédite la plateforme politique constituée entre les deux tours des dernières législatives par « Ceux de la Droite locale » face à la menace d’une non-réélection du seul député sortant, Philippe Gomès, leader difficilement contestable de Calédonie Ensemble, parti autonomiste assumé privilégiant un partenariat durable entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, opposé en juin au candidat du Palika, parti indépendantiste, créé en 1976 et ouvertement pour une souveraineté de la Nouvelle-Calédonie avec un partenariat avec la France.
Désarroi calédonien…
Quatre jours donc pour vérifier la bonne marche des groupes de travail prévus dans le relevé de conclusions du dernier comité des signataires en vue du référendum de 2018, quatre jours pour prendre le pouls d’une société insulaire en plein désarroi face à l’incertitude de l’avenir politique et institutionnel dont découlent le moral des ménages, la consommation, l’attentisme des investisseurs et probablement aussi, la fuite discrète des capitaux vers le Vanuatu, entre autres.
Un désarroi qui gagne aussi les esprits des populations les plus attachées ou les plus rétives à la présence française. Longtemps confinées aux marges des campagnes électorales et dans les commentaires anonymes et hystériques des blogs, les radicalités, de nouveau, se font jour dans les discours publics, chez les uns comme chez les autres, avec le spectre d’un retour aux « Evénements » de 1981-1989.
Ajoutez à cela, le manque de visibilité du marché mondial du nickel qui contraint à une réduction drastique des coûts chez les principaux opérateurs miniers présents localement, l’implantation durable et réelle d’une insécurité croissante qui n’est plus un sentiment depuis longtemps, la quasi libéralisation de la vente des armes et des munitions, la grave crise des finances publiques qui impose de figer la voilure voire de réduire l’allure autrefois gonflée par le vent arrière des transferts publics dont la clé de répartition volontairement inégalitaire, visait depuis 1988, le rééquilibrage des provinces Nord et Iles à majorité indépendantiste, clé de voûte de l’Accord de Matignon.
Sans compter la mise en panne de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont le refus de promouvoir et de protéger l’emploi local ajoute à la déception, à la frustration chez les jeunes calédoniens de toutes origines dont l’injonction de participer à la construction de leur pays est largement contrariée par la réalité des faits.
A l’approche de « 2018 » considéré par certains comme l’année de tous les dangers et par d’autres comme le millésime historique de tous les espoirs devant couronner plus de quarante ans de lutte pour le recouvrement d’une liberté via la décolonisation et l’indépendance, les situations politique, économique et sociale auraient pu être meilleures mais là encore les premiers responsables, ce sont les Calédoniens dans leur ensemble.
Paul Hardy, notre correspondant à Bourail