Monsieur le Premier Ministre,
Le lundi 13 février dernier, le lycée polyvalent du Mont-Dore procédait à sa première rentrée. Aujourd’hui, si cet établissement d’enseignement secondaire a un code administratif et une adresse physique, il n’a pas encore de nom de baptême.
Vous le savez sans doute, ici à quelques encablures de ce temple du savoir et de la connaissance est né en 1907 et a grandi sur le littoral de la tribu de La Conception, Rock Pidjot, le plus illustre des Mont-Doriens.
Un homme qui avait l’engagement chevillé au corps et le don de soi rivé à l’esprit. Pour ses sujets qui deviendront des citoyens à part entière. Pour ses concitoyens également, durant près de 60 ans de vie civique, politique et institutionnelle : chef de tribu, premier président de l’association catholique accompagnant l’entrée des Mélanésiens dans la Cité (1947), un des 9 premiers autochtones élus au Conseil Général (1953), ministre dans le premier exécutif calédonien issu de la Loi-Cadre Defferre (1957-1964), premier député kanak (1964-1986), conseiller territorial élu sans discontinuité de 1953 à 1985 et enfin Président du Mouvement d’Union Calédonienne qu’il contribue à créer et dirige durant 3 décennies de 1956 à 1986.
Mais, ce qui retient surtout l’attention dans cette trajectoire marquée par l’intégrité, la probité et le sens du devoir et du service, c’est sa présence à chaque grand tournant historique de la Nouvelle-Calédonie. Au moment de la fin programmée de l’Indigénat (1946-1947), au moment de la préparation des élites mélanésiennes à l’exercice des responsabilités (1953), au moment de la mise en place de la première période de décolonisation (1957-1969), à l’heure du choix pour l’indépendantisme (1975-1977) et, enfin, au moment de l’insurrection kanak et de la guerre civile calédonienne (1981-1989). A chacune de ces charnières, Rock Pidjot est là. Présent, actif et combatif pour l’idéal qui est le sien, sans jamais renier les valeurs et les principes qui le commandent.
Monsieur le Premier Ministre, vous êtes ici, partout autour de vous, en terre de symboles et de totems. En terre de tabous aussi! Les premiers doivent être élevés et relevés, les seconds, levés. La Nouvelle-Calédonie a enfanté et a produit des personnages célèbres qu’il est juste d’honorer tant ils sont légitimés par leurs actes et unanimement reconnus par toutes et tous.
Dénommer, le lycée du Mont-Dore, le lycée Rock Pidjot est un acte solennel de reconnaissance. C’est également un puissant symbole d’espoir. Celui de voir graver à son fronton: « Nul n’entre ici, s’il n’est géomètre de l’Accord de Nouméa et topographe du destin commun! »
Olivier HOUDAN
Historien