Depuis le 7 mai 2017, le monde entier est tombé en pâmoison devant ce président jeune, moderne, « transformateur » et surtout pas « réformateur », empruntant ainsi un vocabulaire d’entrepreneur pour la direction de l’entreprise France.
Pourtant on peut clairement diviser en 3 séquences distinctes la communication du président depuis son élection.
Séquence 1 : Je marcherai sur l’eau
L’arrivée solennelle sur le parvis de la pyramide du Louvre, cette marche lente en pardessus noir (en mai !) sur la musique de l’hymne européen, ce visage concentré ont fait oublier immédiatement les atermoiements de la campagne, le petit couac du dîner de la Rotonde vite surmonté par le bénéfice du formidable retour de manivelle infligé à Marine Le Pen à Amiens devant L’usine Whirlpool : 3h de Facebook Live, répondant à chacun, sous ses propres caméras… Déjà un concentré de ce qu’on attendait : maîtrise, punchlines, empathie, confiance. Déjà au Louvre, il dit tout et montra encore plus : restauration de l’autorité présidentielle, volonté d’une parole rare.
La composition du gouvernement fut du même acabit : un premier ministre presque inconnu, et de droite, un casting gouvernemental digne d’un cabinet de recrutement avec vedettes et inconnus, le tout sur fond d’affaire Bayrou puis Ferrand qui seront traitées sans communication, avec autorité, intelligence et une finesse politique rare. Pour quelqu’un qui n’avait jamais fait ça auparavant…
Le plébiscite des législatives fut accompagné d’une salve d’initiatives internationales avec la visite de Poutine à Versailles (un tsar chez le Roi), celle annoncée de Trump le 14 Juillet à Paris.
Quid de la com pendant cette période ? Pas grand-chose et sans doute selon lui, pas besoin. Démarra en effet, à l’aube de l’été, une série de cartes postales que nous envoyait le président. Omniprésent mais silencieux. Autoritaire. Jupitérien. Mitterrandien. Gaullien.
Ce fut pour la posture car dans la galerie de portraits d’anciens présidents, il manquait alors Giscard et ses initiatives modernes et modernistes dont on se souvient encore. Ça va venir…
Séquence 2 : l’été en pente douce
Vouloir marquer l’autorité de la fonction présidentielle fut autant une volonté de marquer une vraie différence avec son prédécesseur, avec un manque de reconnaissance qui montre qu’en fait Macron est une lame à l’acier trempé dans l’acide.
Dès juillet 2017, il choisit de réunir l’ensemble des députés et sénateurs en un congrès à… Versailles bien sûr. Là encore une série de cartes postales nous fut envoyée mais surtout un discours de philosophie politique assez lénifiant, coupant l’herbe sous le pied à son premier ministre, présent au premier rang, et contraint de revoir à la hâte son discours de politique générale qui avait lieu le lendemain.
Les critiques commencèrent alors à fuser, sous le leadership de Jean-Luc Mélenchon – et de sa jeune équipe de nouveaux députés – trop heureux de se positionner en seul opposant audible à la nouvelle jeune garde qui prenait ses marques.
Le mois de juillet fut marqué par un 14 Juillet qui fit de Donald Trump un spectateur de la popularité du nouveau président, qui en profita pour évincer brutalement le chef d’état-major des armées au motif que le budget de l’armée est l’affaire du ministre, et que le chef « c’est moi ».
Le « Je suis votre chef » adressé aux militaires fut, certes, un affront aux convenances, mais une affirmation réelle de son autorité. Ce fut aussi le début d’une chute de popularité dans les sondages dont le magnifique discours du Vel d’hiv (bravo Sylvain Fort) n’a pu atténuer la pente descendante.
L’été en pente douce d’Emmanuel Macron se conjugua encore à coup de cartes postales : en sous-marin, en top gun, en visite officielle ou en vacances à Marseille.
Seulement voilà, nous vivons dans la dictature de l’urgence, celle de l’info en continu. Et les média ont horreur de la chaise vide et ont besoin de s’occuper surtout quand l’actualité est au ralenti. Alors à force de gloser sur les absences des ministres, des nouveaux de l’Assemblée dans les média, sur les plateaux, c’est la voix médiatique qui se fait plus entendre que la voix politique. Et cela fit mal à la popularité.
D’autant que pour conclure cette séquence, la rentrée fut chaude pour les impétrants médiatiques que sont le Premier Ministre et son équipe de minots. Par exemple, faire sa rentrée chez Jean-Jacques Bourdin sur RMC était-il pertinent ? Ne valait mieux pas négocier un coup commun à Europe 1 pour sa nouvelle grille ? Ce ne sont que des exemples mais ils ont le mérite d’illustrer « l’à peu près communicant » de la rentrée du gouvernement fin août 2017.
Séquence 3 : le retour du Jedi Macron
Il faudra se souvenir de l’extravagante capacité d’adaptation d’Emmanuel Macron et de son agilité. Pour cela, il ressemble bien plus à un entrepreneur en prise directe avec son éco-système qu’à ce qu’on connaît des Présidents de la République.
Pour lui, baisser dans les sondages, c’est un problème de concurrence ! Ça donne de la place aux autres, à la critique, et ça, on n’aime pas à l’Elysée. Alors, en septembre, le grand rassemblement promis par Jean-Luc Mélenchon ? Balayé façon Puzzle ! Le grand soir promis par les syndicats au moment du vote de la loi Travail ? Réglé en 3 petits déjeuners en one to one !
En parallèle, il fut capable de tirer les leçons très vite comme un animal politique qui l’opinion plus vite que personne. Exemple encore : la grande interview accordée au journal Le Point, ou 20 pages de philosophie politique. Un événement… pour l’hebdo et la médiasphère. Mais qui dans le peuple français fut vraiment concerné par cette interview ?
Revirement du chef de l’Etat qui accorda une interview à TF1 alors qu’il avait « innové » en ne le faisant pas le 14 Juillet. Un grand média, de grands journalistes, dans son bureau de l’Elysée. Si, nous les communicants, pouvons regretter le classicisme du dispositif, on ne peut que louer son efficacité : record d’audience et remontée dans les sondages.
Vint alors le coup de maître de l’automne avec la conférence sur le climat. Après avoir harangué en direct de l’Elysée le peuple américain dans une séquence qui a fait le tour du monde en quelques minutes, il prit, et sûrement pour longtemps, le leadership de la transition énergétique mondiale, réunit des chefs d’état et des grands patrons, bref organisa un « Davos » du climat, le « One Planet Summit », le 12 décembre à Boulogne-Billancourt avec un brio et une efficacité redoutable. Et les sondages remontèrent…
Auréolé de ces bons résultats, arriva le temps des vœux présidentiels, attendus comme la séquence ultime de communication du Président. Et pour nous faire patienter, une fuite savamment organisée qui sortit dans le Canard Enchaîné pendant la trêve des confiseurs et lanca le pavé dans la mare (aux canards) du contrôle des chômeurs. Il occupa ainsi le terrain médiatique, prépara l’opinion dans un « temps faible », et se fit interviewer sous la neige alors qu’il semblait nous envoyer sa dernière carte Postale de l’année.
Bien sûr les vœux du 31 décembre apportèrent leur petite surprise : leur longueur ! Avec près de 18 mn, il égala le record du Général de Gaulle, son seul vrai rival Jupitérien et innova avec un format court de 1mn, diffusé juste après sur les réseaux sociaux. Last but not least, les vœux à la Presse en Janvier avec une annonce de projet de loi sur les fake-news, suivis d’un off de 1H30 au milieu de l’arène et devant 400 journalistes toujours sidérés.
La semaine dernière, la réunion de Versailles «Choose France», suivie du Forum de Davos (le vrai) et, en clôture, deux journées dans le Puy-de-Dôme au côté des agriculteurs français ne fut qu’un condensé de 9 mois de communication présidentielle rondement menée.
Alors, après avoir anesthésié la politique française, relancé les entrepreneurs, et restauré l’image de la France dans le monde, saura-t-il trouver la bonne posture en 2018 ? A suivre, dans cette télé réalité qui a démarré dans le pastel de sa campagne et se déroule sous les lambris de l’Elysée.
Stéphane ATTAL est le co-fondateur des Influenceurs.