Il faut aller à l’autre bout du monde pour découvrir parfois un part de soi même… C’est, à n’en pas douter, un des bienfaits de la mondialisation… A Shanghai le 10 janvier dernier, en marge de la visite du président de la République française en Chine, Patrice Cristofini, bien connu de nos lecteurs, lançait, au nom du CEPS, avec M. Bo Xu et le CEIBS, la plus grande Ecole de commerce de Chine et probablement d’Asie, le Club Shanghai. Olivier Veran, député français et rapporteur général de la commission des affaires sociales, neurologue de son état, en était l’invité d’honneur.
Parmi les intervenants et partenaires de cette opération figurait Gilles Lunzenfichter, co-fondateur et vice-président de la société Medisanté, accompagné de M.Derek Chen, représentant de l’un de ses actionnaires taïwanais. Nous retiendrons de cet événement sa prise de position que nous considérons comme décisive pour comprendre le moment historique que nous vivons en matière de santé connectée.
Où en sommes-nous ? L’Europe semble entrer enfin de plain-pied dans l’ère de l’intelligence artificielle et de la santé connectée : Cédric Villani, médaille Fields et député français, lui-même présent à Pékin la semaine précédente avec Emmanuel Macron pour pousser les partenariats France – Chine, vient d’appeler l’Europe, dans les colonnes du Figaro, à mobiliser plus de 30 milliards d’euros pour qu’elle prenne enfin le TGV mondial, déjà bien lancé côtés américain, chinois et asiatique, de l’IA.
Les médias multiplient les dossiers d’information et de débats sur cette nouvelle frontière, toujours repoussée, qui va faire de nous, selon les hypothèses, des hommes augmentés et en bonne santé, ou des esclaves des gestionnaires, souvent cachés, de nos données les plus intimes…
Quel est le point clé ? Aujourd’hui, on nous vend la santé connectée et l’IA comme un monde quasi ludique : des robots font le ménage à la maison, des voitures autonomes nous emmènent faire des courses et l’Apple store nous vend sa énième App pour mesurer nos battements cardiaques pendant que l’on fait nos 10.000 pas quotidiens vitaux…
Mais si la santé connectée et l’intelligence artificielle, c’est cela, alors la période d’enthousiasme médiatique que l’on vit actuellement ne sera qu’une mode passagère. Pire la méfiance, le scepticisme et les inquiétudes légitimes des citoyens, et surtout des patients que nous sommes tous à un moment de notre vie, l’emporteront sur les progrès fulgurants à l’œuvre aujourd’hui.
Pour tenter une analogie, la voiture électrique tarde à sortir de la marginalité parce qu’elle n’a pas su appréhender tous les enjeux sociétaux et économiques de la mobilité de demain. Les premières voitures électriques n’auraient jamais dû être des jouets mobiles comme la gamme ZE et les Twizy de Renault.
La santé connectée doit déjà faire sa révolution…
Il en est de même en matière de santé connectée : si l’on veut que la robotique, la numérisation, et toutes les opportunités technologiques de suivi de notre santé à distance se développent, il faut que ce soient des médecins de ville ou des spécialistes dans les hôpitaux – et non des applis consuméristes dont nous serions les seuls juges – qui prennent soin de notre santé via le numérique et les interventions à distance aujourd’hui possibles.
C’est ce qu’a compris et défend vaillamment Gilles Lunzenfichter, hier à Shanghai, aujourd’hui à à Dubaï sur le salon Arab Health : « Il faut mettre l’internet des objets au service des professionnels de santé. Les Etats soucieux de mettre le numérique au service d’une prise en charge plus efficace d’un nombre croissant de patients atteints d’Affection Longue Durée (ALD) ou laissés pour compte dans de véritables déserts médicaux disposent de nouvelles options technologiques. Celles-ci vont au-delà de l’approche mouton de Panurge de type prolifération d’App mobiles que leurs patients ont installé sur smartphone. »
La santé connectée de demain doit rester l’affaire des professionnels de santé, leur permettre une meilleure efficacité des soins tout en contribuant au contrôle souverain des coûts de santé au niveau de chaque Etat. Elle s’appuiera sur des plates-formes médicales multi-morbidité sans passer par le détour d’un cloud global. C’est le message de Medisanté et, nous l’espérons, de nombreux autres acteurs, et la bonne voie selon nous pour maintenir le fil de la confiance entre les patients et le monde de la santé.
En conclusion, l’intelligence artificielle et la santé connectée doivent faire leur révolution culturelle, passer de l’âge de la prime enfance à la maturité. C’est l’avenir de tout un secteur qui se joue aujourd’hui…
Michel TAUBE