La stratégie chinoise d’ouverture commerciale trouve son illustration dans le projet « Initiative de la ceinture et de la route », « Belt Road Initiative» (BRI). Une ambition tant économique que géopolitique.
Valérie Niquet, spécialiste des relations internationales et des questions stratégiques en Asie, a récemment publié l’ouvrage La puissance chinoise en 100 questions. Elle rappelle que, selon une conception ancienne inscrite dans l’histoire de ce pays, « la Chine était le monde, la totalité de l’espace sous le ciel. » Pékin n’a jamais abandonné ce principe ancestral, encore moins depuis 2013, date d’arrivée au pouvoir du président chinois Xi Jinping qui lançait son projet phare de nouvelles routes de la soie, aussi connues sous le nom de « One Belt, One Road » (OBOR), (« Une ceinture, Une route ») puis officiellement baptisés en 2017 « Belt Road Initiative» (BRI), «Initiative de la ceinture et de la route»).
Inspiré des routes commerciales qui reliaient l’Europe à l’Asie à travers le Moyen-Orient pour le commerce de la soie et des épices, ce plan vise à créer un maillage de de routes, de voies ferrées, de gazoducs, d’oléoducs et autres ports afin de relier la Chine jusqu’en Europe occidentale, en passant par l’Asie centrale, la Russie mais également l’Afrique. Pour la Chine, il s’agit autant d’avoir un meilleur accès à des marchés et à des matières premières que d’étendre son influence à travers l’Eurasie. Si l’enjeu de ces nouvelles routes est avant tout économique, les dimensions géopolitiques n’en demeurent pas moins prépondérantes.
Nouvel ordre mondial des échanges
Le projet « Belt Road Initiative» (BRI) est un ensemble de nouveaux réseaux d’échanges complexes et très ambitieux pour bâtir ou renforcer les infrastructures portuaires, routières, voies ferrées… et cela pour améliorer et diversifier les routes commerciales entre la Chine et l’Europe, en passant par l’Asie centrale.
- Le volet maritime porte sur deux principales routes : Chine -Malacca (Malaisie) – Suez et, depuis 2017, la route maritime du nord, via l’Arctique qui réduit les distances d’environ 20% à 30% vers l’Europe,
- Le volet ferroviaire et terrestre passe notamment par le renforcement et la création d’un réseau de chemin de fer et de gazoducs qui devraient, à terme, couvrir l’Eurasie et connecter la Chine à l’Europe via la Mongolie, la Russie et la Kazakhstan. D’autres corridors existent ou sont en projet pour relier le grand ouest chinois à l’Asie centrale et au Moyen-Orient vers la Turquie et l’Iran. Un autre corridor, dit « CEPC », ou route méridionale, reliera la Chine au Pakistan, allant de la province chinoise du Xinjiang, nord-ouest du pays, au port en eau profonde pakistanais de Gwadar, par ailleurs déjà géré par la société chinoise, China Overseas Port Holding Company.
- A côté de ces voies de circulation des hommes et des marchandises, la « Belt Road Initiative» (BRI) ce sont aussi d’autres projets de coopération portant sur les échanges économiques plus libres une intégration douanière plus poussée avec les pays traversés sans oublier les nouvelles coopérations énergétiques et culturelles.
En termes financiers, le budget de ce projet pharaonique est estimé entre 4000 et 26000 milliards de dollars. À titre de comparaison, le plan Marshall lancé par les Américains pour l’Europe après la Seconde Guerre mondiale « ne représentait » que de 130 milliards de dollars (valeur 2017). La Chine n’a évidemment pas l’intention de fiancer seule ce budget hors norme puisque les pays bénéficiaires de ces projets devront eux aussi contribuer à ces financements hors normes.
Réorganiser l’Asie
Si l’objectif premier pour Pékin demeure avant tout économique afin de trouver de nouveaux relais de croissance, il n’empêche que cette « nouvelle route de la soie » s’inscrit dans une nouvelle ambition géopolitique plus globale à l’heure où les cartes internationales sont rebattues du fait du nouveau rôle des Etats-Unis et des atermoiements européens. Souhaitant réorganiser l’Asie sur la base d’un système de nouveaux partenariats économiques et politiques dont elle serait le cœur, la Chine de Xi Jinping a une vision à 30 ans quand il s’agira pour la Chine d’assoir son nouveau statut de puissance mondiale. La réussite de la « Belt Road Initiative» (BRI) dépendra aussi de nombreux paramètres externes ; à commencer par la mobilisation de financements gigantesques qui nécessiteront la mobilisation d’acteurs publics et privés, pas seulement chinois. Pour attirer ces futurs bailleurs de fonds, la Chine a entrepris d’accélérer l’ouverture et la transformation de son secteur financier, notamment à destination des investisseurs étrangers.
Sur le plan politique, un tel projet nécessitera également une vision renouvelée de l’Asie centrale, immense espace au cœur des rivalités entre la Russie et la Chine. Enfin, il ne faut pas non plus mettre de côtés la gestion des tensions ethniques et religieuses dans certaines provinces et pays traversés par ces nouvelles « Routes de la Soie » qui dépassent et de loin l’antique route commerciale version Marco Polo. Une chose est sûre, d’ici à 2049, date du centenaire de la République Populaire de Chine, tous les chemins mèneront à Pékin.
Philippe BOYER
Cet article de Philippe Boyer s’inscrit dans la rubrique «Les routes de la Chine».
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Philippe Boyer est un blogueur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Siècle Digitale, Opinion Internationale…
Il est actuellement Directeur de l’innovation d’un des plus importants groupes immobiliers européens.
Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Ville connectée- vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015) et « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017).
Diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), Philippe Boyer a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains