L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy tient un rôle clé dans le jeu d’équilibre subtil que joue la France au coeur du Moyen-Orient. Président du groupe d’amitié du Sénat avec les pays du Golfe, Jean-Marie Bockel sera l’un des intervenants le 14 mars de 17h à 20h à la Maison de l’Amérique latine à Paris de la conférence de lancement de notre rubrique « In the Middle, bridges and solutions with the Middle East » consacrée à la crise du Conseil de Coopération du Golfe. Entretien.
Monsieur Jean-Marie Bockel, face aux crises qui secouent aujourd’hui le Moyen-Orient, croyez-vous que la France puisse avoir un rôle à jouer ?
La France a un rôle évident à jouer. Et il convient de souligner que le président Macron a déjà commencé à montrer la voie. Il porte, à l’instar de ses prédécesseurs, cette idée que nous avons vocation à parler à tout le monde.
La crise du Golfe en est un parfait exemple. Alors qu’un certain nombre d’interlocuteurs, comme les Etats-Unis, peinent à dialoguer avec toutes les forces en présence, la France en a la capacité. Cette faculté à dialoguer avec tous, dans le respect du multilatéralisme et avec l’appui de l’ONU, est essentielle. D’autant plus essentielle dans la période actuelle où la situation tendue de la région fait planer la menace d’un possible dérapage.
Je pense également que les pays du Golfe peuvent devenir un véritable gage de stabilité au Moyen-Orient. Certains l’ont déjà été par le passé. Les transformations économiques et sociales à l’œuvre en Arabie Saoudite sont, à cet égard, très encourageantes. Notre relation avec ce pays est forte, de même qu’avec les Emirats Arabes Unis, avec lesquels nous avons établi un partenariat stratégique et durable sur les plans militaire et culturel et où j’ai récemment accompagné le premier ministre, Edouard Philippe. Enfin, notre relation avec le Qatar, où je ne manquerai pas de me rendre, est confirmée par-delà la crise actuelle, pour laquelle nous ne sommes dans aucun camp.
Finalement, si elle n’a pas vocation à jouer un rôle de sauveur, la France reste le pays qui peut et qui doit parler à tout le monde. Nous devons adopter un discours cohérent et unifié afin de trouver une issue. Cette position, cette stature, on nous la reconnaît. Et j’ajouterai que l’on possède avec Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian des atouts clés dans la période actuelle.
Il y a les crises que l’on pourrait qualifier de classiques, comme entre Israël et les pays arabes ou encore entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Et puis il y a cette crise, pas si nouvelle que cela en apparence, datant de juin dernier, entre le Qatar et ses voisins du Golfe. Comment la percevez-vous ? Comment en sortir ?
Il convient tout d’abord de rappeler que cette crise n’est pas anodine et qu’elle vient de loin. Néanmoins, il ne faut pas surjouer les antagonismes alors que les points de convergence existent, et ce depuis longtemps. Je dirais que chacun doit balayer devant sa porte et que des choix diplomatiques faits à une certaine époque doivent être confrontés à la réalité d’aujourd’hui.
Contrairement à l’Assemblée Nationale, où il y a autant de groupes d’amitié que de pays de la région du Golfe, vous avez une force, celle d’être président d’un groupe d’amitié avec tous les pays du Golfe. Cela ne vous donne-t-il pas une position de diplomate dans la relation avec des pays de votre groupe en conflit ?
En tant que président du groupe d’amitié du Sénat avec les pays du Golfe, je ne peux pas me muer en expert ou analyste, bien que j’ai pu étudier de très près la crise. Je crois à la diplomatie parlementaire si celle-ci est conduite en relation étroite avec l’exécutif. Ma position m’oblige à me comporter de manière diplomatique et à ne pas rester statique. J’ai une chance, c’est que je ne me suis rendu dans la région que récemment. Donc je ne fais pas partie de la période d’avant si je puis dire.
Propos recueillis par Michel Taube