Emmanuel Macron est depuis hier au Canada pour y rencontrer son Premier ministre Justin Trudeau. Les deux jeunes chefs d’État ont la lourde tâche de préparer le sommet du G7 de ce week-end.
C’est un défi, et non des moindres, qui se présente à eux ! En effet, c’est sur fond de guerre froide économique que se retrouveront à Charlevoix les membres de ce club qui réunit les dirigeants des sept pays les plus riches du monde : Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et France. Donald Trump, héraut de la défense décomplexée des intérêts américains et trublion de la scène politique internationale, annonçait récemment sa volonté de taxer les importations d’acier et d’aluminium de 25% et 10% respectivement pour relancer une industrie sidérurgique américaine atone. La décision de Washington suscitait immédiatement l’indignation de son voisin canadien, partenaire économique privilégié des Etats-Unis, et de l’Union Européenne. Malgré la disproportion des forces, le premier a engagé des ripostes, le second manifeste des velléités d’en faire de même.
Voilà qui pose donc un sacré problème ! Pensé et voulu initialement par Valéry Giscard d’Estaing comme un sommet informel dont le but était de renforcer la coopération économique et la concertation des plus grands pays industrialisés, le G7 a évolué au fil du temps en prouvant au passage son utilité, notamment lors des chocs pétroliers ou de la crise des subprimes de 2008.
Force est de constater aujourd’hui que l’unanimité, même de façade, de ces grands Etats et de leurs dirigeants n’est plus à l’ordre du jour. On assiste depuis quelques années, et surtout depuis quelques mois, à un délitement du commerce international et à une nette tendance au repli sur soi. Nul besoin de rappeler que le président Trump joue les premiers rôles dans cette évolution à laquelle le nouveau président du Conseil italien pourrait aussi ne pas demeurer insensible.
Le G7 est mort, vive le G20 ?
Mais au G7 il n’est pas question que de commerce. L’agenda diplomatique du Sommet est tout aussi garni que chaud : conflit interminable en Syrie, risque d’affrontement direct entre Israël et l’Iran, évolution de la Turquie, retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire Iranien, tensions dans le Golfe, dossier coréen… Autant de questions délicates et souvent imbriquées sur lesquelles les membres du G7 peinent à trouver un consensus.
Alors, peut-on espérer quelque chose de ce sommet ? L’épisode de l’an dernier, durant lequel les Etats-Unis, en passe de quitter l’accord de Paris, avaient refusé de signer la traditionnelle déclaration finale, nous rappelle que l’exercice sera difficile. Compte tenu de la disproportion des forces en présence, on peut douter de la réalité de la menace évoquée par certains de tenir un format “6+1“ pour faire front commun contre Donald Trump. Outre que certains des 6 Etats en question renâcleront à isoler ouvertement le protecteur et allié américain, une telle initiative ne marquerait-elle pas la mort de facto du G7 ? Et les guerres froides qui s’amoncellent dans le ciel international risquent de produire le même effet.
Finalement, la vraie question n’est-elle pas plutôt de se demander si le G7, qui rassemble les sept grandes puissances économiques du siècle passé, n’a pas perdu de son sens aujourd’hui, en tout cas dans l’actuel format marqué par la sur-représentation de l’Europe et l’absence assourdissante des pays émergents et de la Russie.
A cet égard, l’exclusion de la Russie du fait de l’annexion de la Crimée en 2004 ne manque pas aussi d’interroger : comment expliquer, en effet, ce traitement imposé à Moscou, au passage l’un des principaux producteurs d’hydrocarbures dans le monde et puissance incontournable dans le règlement du dossier syrien, alors que les Etats-Unis, qui ont bafoué tout autant le droit international en allant s’aventurer unilatéralement en Irak, n’ont jamais été inquiétés ?
Finalement, c’est peut-être la participation en invité de Paul Kagamé, président en exercice de l’Union africaine et du Rwanda, qui pourrait apporter à ce G7 une véritable surprise. Au-delà de cette rencontre des puissants de la terre avec le continent noir et ses taux de croissance à faire pâlir les dirigeants occidentaux, il y aura aussi en aparté, n’en doutons pas, une séquence francophone très importante entre Macron, Trudeau et leur invité. Séquence décisive pour la désignation du futur Secrétaire général de l’OIF lors du Sommet d’Erevan en novembre prochain.
En 2002, dans son livre « 20 problèmes globaux, 20 ans pour les résoudre », l’économiste Jean-François Rischard constatait déjà qu’alors que les dernières années du XXème siècle avaient connu des changements démographiques, économiques et technologiques exponentiels, les institutions de gouvernance, elles, demeuraient inchangées. 15 ans après, le constat demeure exact mais cela pourra-t-il durer encore longtemps ? Sans doute le G20 reflète-t-il de façon plus certaine la réalité du « directoire du monde » multipolaire qui est devenu le nôtre en quelques décennies. Quand passera-t-on alors de la prise de conscience à l’élargissement définitif de la table du Conseil d’administration de la planète ?
Michel Taube