Entre la crise des migrants en Méditerranée, les tollés successifs déclenchés par Donald Trump, l’actualité internationale de ces dernières semaines attriste et indigne. Cela nous ferait presque oublier que, si l’on cherche, on trouve de bonnes nouvelles. Cette semaine, c’est de Bruxelles qu’elles sont venues. La Commission européenne a en effet confirmé que le Kosovo remplit tous les critères requis et satisfait désormais aux exigences permettant à ses citoyens de voyager en Europe sans visa.
A la suite de longues négociations avec les diplomates du Kosovo, Dimitris Avramopoulos, commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, a déclaré : « Le Kosovo a fait de grands progrès au cours des deux dernières années […] J’invite à présent le Parlement européen et le Conseil à adopter rapidement notre proposition visant à lever l’obligation de visa pour les citoyens du Kosovo. Il s’agira d’un moment important pour le Kosovo, pour toute la région des Balkans occidentaux et pour l’Europe dans son ensemble. »
Saluons les progrès auxquels M. Avramopoulos fait référence : le Kosovo s’est mis d’accord avec le Monténégro quant au tracé de leur frontière commune, et a obtenu de bons résultats en matière de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, le tout contrôlé évidemment par les services de Bruxelles.
Une fois l’étape du vote au Parlement européen franchie, les ressortissants kosovars titulaires d’un passeport biométrique n’auront donc plus besoin de visa pour se rendre, pour de courts séjours n’excédant pas 90 jours, dans tous les États membres de l’Union sauf l’Irlande et le Royaume-Uni. Réclamée par le Président Kosovar depuis longtemps (il nous en parlait déjà lorsque nous l’avions interviewé en 2016), cette prise de position de la Commission est salutaire pour plusieurs raisons.
D’une part parce qu’elle met fin à une situation injuste et discriminante pour les Kosovars, et les place enfin à égalité avec leurs voisins serbes, monténégrins, albanais, bosniaques et macédoniens. C’était une question de principe. Comment le Kosovo aurait-il pu dialoguer sereinement avec la Serbie sous l’égide de l’Union européenne, si celle-ci traite les deux parties de manière inégale. La Commission vient ainsi d’envoyer un signal fort, indiquant sa détermination à voir réussir le dialogue Belgrade-Pristina.
L’autre raison est plus pragmatique. Les habitants du Kosovo ont une moyenne d’âge de 27 ans, et les 20-30 ans représentent plus de 60% de la population – c’est le peuple le plus jeune d’Europe (41,5 ans en France) et le marché du travail local ne peut pas absorber un tel afflux. Cela créé un chômage endémique car la croissance annuelle de 3,5% est toujours trop lente… Il faudrait qu’elle atteigne 7% pour absorber la pente démographique. Ce contexte pousse les jeunes Kosovars à tenter leur chance ailleurs en Europe. Les priver de cette opportunité en imposant des barrières administratives insurmontables était complètement injustifié, et en contradiction avec les principes d’inclusion que promeut l’Union.
Enfin, on peut parier qu’à moyen terme, l’abolition des visas va permettre au Kosovo de renforcer ses liens commerciaux, économiques, scientifiques, sportifs, culturels, éducatifs, touristiques, avec ses voisins européens, faisant entrer ce jeune pays pleinement dans le concert des nations auquel il peut apporter beaucoup.
On ne peut donc que se féliciter que les efforts du Kosovo soient reconnus par Bruxelles. Aux députés du Parlement de suivre pour entériner la recommandation de la Commission. Un sujet qu’Opinion Internationale continuera de suivre !
Michel Taube