Vivant aux Etats-Unis, Georges Alula est entrepreneur, homme politique et fondateur du parti UNIC (Unité Nationale et Intégrité du Congo). Candidat à l’élection présidentielle qui devrait désigner un successeur à Joseph Kabila en poste depuis 2001, prévue le 23 décembre prochain mais mainte fois reportée, il fait partie des nombreuses forces d’opposition à vouloir sortir son pays de l’impasse.
Monsieur Georges Alula, vous êtes candidat à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre prochain. Pourquoi cet engagement ?
C’est un engagement de longue date, qui a commencé de façon assez subite en 2003, année à laquelle je suis retourné au Congo après une absence de vingt ans. J’ai été indigné d’y voir les enfants dormir dehors dans les rues. Cela a fait ressurgir de tristes souvenirs en moi : bien que j’étais orphelin, j’ai toujours eu la chance d’avoir un toit et de recevoir une éducation. J’ai donc constaté que l’Etat ne jouait pas son rôle.
Je me suis décidé, après avoir été longtemps conseiller pour les autres, de prendre les devants et d’ambitionner d’un jour redresser ce pays.
Dans votre programme, vous développez une vision de la RDC à 2030 ? Quelles en sont les grandes lignes ?
La priorité de ce programme est l’industrialisation accélérée de tous les secteurs de la vie économique de notre pays. Pour cela, nous devons encourager la production locale d’équipements dans les domaines des transports, de l’automobile, de l’agriculture, des télécommunications, de la santé, de la production d’énergie, de l’industrie métallurgique et du tourisme. Aussi, le Congo, qui dispose de ressources naturelles extraordinaires (réserve d’or équivalente à 23 000 milliards de dollars, importantes réserves de pétrole dans la province de l’Equateur), doit faire son entrée dans le commerce international.
La clé de voûte de ce programme économique ambitieux, c’est l’émission d’obligations d’Etat sur les marchés financiers à hauteur de 150 milliards de dollars. Ces emprunts, qui seront dispatchés sur les places boursières du monde entier et qui ont été validés par le département du trésor américain, nous permettront d’injecter 37,5 milliards de dollars par an pendant 4 ans dans l’économie congolaise.
Pour finir, tout cela doit bien entendu aller de pair avec la sécurisation de notre territoire, qui permettra de créer un environnement propice au développement.
Une RDC économiquement développée est une opportunité formidable pour tout le continent africain ! Si nous réussissons économiquement, nous pourrons relier toute l’Afrique.
Irez vous à Kinshasa d’ici le 8 août déposer votre candidature ? Qu’est-ce qui pourrait vous en empêcher ?
La décision du président sortant de rester en course ou ses attitudes provocatrices représentent toujours une menace pour les opposants comme moi. De plus, les conditions sécuritaires ne sont pas totalement réunies.
Mais je reste convaincu qu’avec l’aide de nos amis et collaborateurs sur place, notre venue va être facilitée, car nous représentons le nouveau leadership dont ce pays a besoin. Notre présence, loin de susciter des agitations, devrait rassurer le peuple congolais. Nous sommes proches de la population. Et nous voulons sillonner le pays pour installer notre parti UNIC.
Quant au président sortant, Joseph Kabila, s’il souhaite rester, que veut-il faire ? Qu’est-ce qu’il n’a pas pu faire, alors qu’il est au pouvoir depuis 2001 ? Depuis, la RDC est devenue un non-Etat. Dois-je rappeler que le génocide (12 millions des morts) qui a commencé à l’Est au Kivu et dans l’Ituri, s’étend désormais vers l’ouest du pays au Kasaï ?
Etant donné que le scrutin de l’élection présidentielle est un scrutin uninominal majoritaire à 1 tour, ne serait-il pas mieux que tous les candidats de l’opposition forment une coalition pour ne présenter qu’un candidat ?
Ce serait idéal ! Mais c’est une tâche très difficile. En effet, une partie de la classe politique, même dans l’opposition, a un bilan à défendre. Et bien souvent, ce bilan est négatif. Un effort important doit donc être fait pour surmonter les antagonismes.
Avoir un seul candidat est souhaitable. Mais il faut s’assurer que celui-ci ne poursuive pas ses propres intérêts et défende ceux de la nation congolaise. Quoi qu’il en soit, nous devons offrir à notre pays une nouvelle classe politique. Et cette nouvelle classe politique se trouve majoritairement dans les diasporas. Nous voulons avec cette diaspora faire comme ce que les joueurs de foot français viennent de faire en gagnant la Coupe du monde, mais sur les plans politiques et culturels. Nous devons donner une chance à ce grand pays qu’est le Congo et à ce continent africain, pour qu’il prenne la direction que tout le monde attend de lui.
D’un point de vue plus personnel, je suis convaincu que mes expériences de management dans les plus grandes multinationales, comme Renault ou Alcatel, témoignent de mes capacités de leadership et de mon aptitude à diriger notre pays.
Quant à mon programme, il a été accueilli avec beaucoup d’intérêt par les institutions européennes ainsi qu’à Washington, ce qui est très encourageant.
Attendez-vous de la France, de la Belgique et/ou de l’Union Européenne qu’elles fassent davantage pression sur le pouvoir congolais pour assurer la transparence et la bonne tenue de l’élection présidentielle ?
Ce serait une très bonne chose. Nous avons besoin d’aide pour faire pression sur Kabila mais aussi pour prendre des dispositions au cas où celui-ci reste au pouvoir.
De plus, les observateurs internationaux doivent pouvoir prendre part aux élections et des forces de sécurité doivent garantir les déplacements des candidats.
La communauté internationale doit aussi prendre en compte le fait que les conditions dans lesquelles les élections sont organisées et risquent de se dérouler ne sont pas normales. La volonté de Kabila de les financer sur fonds propres par exemple n’est pas souhaitable. Tout comme le fait que tout a été mis en œuvre pour empêcher les candidats de l’opposition d’obtenir des contributions financières, pourtant essentielles. C’est une situation à laquelle il faut remédier immédiatement faute de temps.
Il est impératif que le jeu démocratique, qui passe par les élections, sorte notre pays du coma dans lequel il est depuis trop longtemps.
Propos recueillis par Gaspard Velten