GENS…
Avant-hier, manifestement énervé, Alexandre Benalla a dénoncé les « petites gens » en parlant des sénateurs. Ce faisant, ce Macron boy a fait du Macron à l’envers car le président de la République abuse du mot « gens » dans bon nombre de ses discours et de ses interventions médiatiques, mais pour désigner non les personnes (qui se croient) importantes mais les uns et les autres, les vous et moi en somme.
Les citations abondent… Le 29 juin 2017, en inaugurant la station F à Paris, le plus grand vivier de start-up au monde, Macron commit cette fulgurance dans cette ancienne gare reconvertie : « une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui ont réussi et les gens qui ne sont rien ».
Plus récemment, au plus fort de la tempête Benalla, en déplacement à Bagnères-de-Bigorre, lors d’un bain de foule dont il aime se délecter, le président a fait remarquer aux journalistes : « regardez les gens, est-ce qu’ils parlent de ça ? ».
Le substantif « gens » désigne une foule, un nombre indéterminé de personnes. Autant dire des inconnus, des anonymes. Est-ce ainsi que le président de la République perçoit les Français ?
C’est sûr, Emmanuel Macron ne se pense pas lui-même comme un parmi les gens… Eventuellement un parmi ces « jeunes gens » qui, pour reprendre le titre du livre de Mathieu Larnaudie, lui rappellent la promotion « Senghor » de l’ENA qui en 2002-2004 vit se déployer l’ambition du futur plus jeune président de la République.
Sans avoir besoin de faire du Brel qui immortalisa « ces gens-là » dans un portrait glacial d’une famille française, « gens » a un côté un tantinet méprisant ou (inventons l’adjectif) commisératif à l’endroit des personnes qu’il désigne. Emmanuel Macron a-t-il été marqué par la lecture du poème de Victor Hugo dans La légende des siècles, « Les pauvres gens » ?
Peut-être que le président entend les « gens » au sens romain du terme qui signifiait, selon l’illustre dictionnaire de l’Académie française, une « Grande famille comprenant tous les descendants d’un même ancêtre, et qui était caractérisée par un nom, un culte et des usages communs. » Bref les gens seraient cette grande famille française que notre président chérit tant.
Tout président de la République se doit d’aimer les Français. Tout politique se doit d’aimer les gens. Alors, je pose la question : Amis lecteurs, préférez-vous être gens, mot interdit au singulier, ou une personne ? Sans être obligé d’adhérer au personnalisme ni à En marche, convenons qu’il vaut mieux être une personne qu’un parmi les gens…
Qu’en pensez-vous, Monsieur le président ?
Michel Taube