International
08H49 - mardi 18 septembre 2018

Tensions autour du gaz en Méditerranée

 

Egypte, Israël, Liban, Palestine, Chypre, Turquie. Autant de pays qui se disputent les immenses ressources gazières qui gisent sous la Méditerranée. Au point de créer de fortes tensions diplomatiques.

 

Voilà une dizaine d’année maintenant que le bassin du Levant, qui renferme les eaux territoriales de pas moins de sept pays, attise toutes les convoitises. Entre 2009 et 2010, deux champs gaziers sont identifiés en zone Israélienne : Tamar (250 milliards de m3), dont l’exploitation a commencé en 2013 et Leviathan (540 milliards de m3) dont on attend les premières extractions en 2019. Avec la découverte quelques années plus tard des champs de Karish et Tanin, Israël prend pleinement conscience de la richesse minérale de ses eaux, ignorée jusque-là.

Mais l’Etat israélien n’est pas seul. Les eaux chypriotes recèlent, elles aussi, de beaux trésors géologiques. En témoigne la découverte en 2011 du très prometteur gisement Aphrodite, dont l’exploitation, encore retardée, fait l’objet de vives discussions.

Enfin, la récente trouvaille de l’énergéticien Italien ENI est venue confirmer l’énorme potentiel méditerranéen en termes de production d’hydrocarbure. Le champ Zhor, situé dans les eaux égyptiennes, contiendrait jusqu’à 850 milliards de m3 de gaz.

Une étude de la United States Geological Survey estime que la région dispose de réserves plus grandes que celles des Etats-Unis, premier producteur mondial de gaz. C’est donc un fait : la Méditerranée est le nouvel eldorado gazier ! Pour autant, en émergera-t-il une puissance gazière stable et pérenne, capable de rivaliser avec ses voisins moyen-orientaux, tels que le Qatar ou l’Iran ? L’histoire et la géopolitique de cette région, faite de guerres et de tensions latentes, laisse à penser que la tâche sera difficile.

 

L’Egypte et Israël se rêvent en puissances gazières

Le choc pétrolier de 1973 a mis en évidence qu’il n’est pas bon d’être trop dépendant énergétiquement. Il y a quelques années, Israël était encore loin de l’indépendance énergétique, tant elle était prisonnière de lourds contrats d’importation, nécessaires au bon fonctionnement de son économie. Sous l’ère Moubarak, par exemple, Tel Aviv importait 40% de son gaz d’Egypte.

Aujourd’hui, la donne a changé et le pays se rêve en grande puissance gazière, dans une région pourtant hostile. Maintenant que les premières multinationales, telles que Noble Energy, ont commencé leurs travaux d’exploration/production, Israël se rapproche de l’indépendance. Le pays va même jusqu’à se muer en exportateur majeur de la région. Un contrat signé avec la Jordanie en 2016 prévoit des exportations à hauteur de 10 milliards de dollars sur les quinze prochaines années. Mieux encore, la signature récente d’un contrat d’export de 15 milliards de dollars vers l’Egypte vient confirmer qu’Israël est une puissance gazière en devenir. Enfin, l’Etat hébreu envisage même d’exporter vers l’Europe, et serait en discussion avec la Grèce et Chypre, pour la construction d’un pipeline qui acheminerait du gaz vers l’Italie.

Néanmoins, beaucoup d’analystes s’accordent à dire qu’Israël ne pourra pas devenir une puissance exportatrice sans son voisin égyptien. Seule l’Egypte a la capacité de devenir un gros hub pour le transit de gaz dans la région. En effet, le pays le plus peuplé du monde arabe jouit d’une place hautement stratégique – le canal de Suez lui permettant de se projeter vers l’Asie -, en plus de l’Europe. Aussi, l’Egypte dispose-t-elle d’infrastructures et notamment des terminaux de liquéfaction inutilisés, qui pourraient lui permettre d’exporter du gaz naturel liquéfié (GNL). Enfin, le champ de Zhor recèle des richesses considérables.

S’’ils parviennent à s’entendre, Israël et l’Egypte seront en mesure de jouer les premiers rôles sur un marché gazier très compétitif. Mais exporter vers l’Europe est une tâche difficile. Deux acteurs majeurs, la Russie et les Etats-Unis, se disputent déjà le vieux continent. Les pistes du Moyen-Orient et de l’Asie restent donc à privilégier.

Et ce sont surtout des obstacles d’ordre géopolitique et sécuritaire qu’Israël et l’Egypte devront passer, s’ils veulent atteindre leur but.

 

Guerre froide en Méditerranée ?

L’Egypte doit faire face à l’animosité de la Turquie dont il est utile de souligner que sa politique extérieure est aussi motivée par des intérêts énergétiques. Depuis quelques mois, les forces navales turques jouent les trouble-fêtes dans les eaux chypriotes, en empêchant notamment des navires d’ENI d’atteindre des réserves de gaz offshore. L’Egypte, qui a signé en 2003 un accord avec Chypre pour délimiter leurs ZEE respectives, considère cela comme une agression. La tension entre Le Caire et Ankara n’est donc pas liée qu’au fait que cette dernière défend les Frères musulmans, ennemis du pouvoir de Al Sissi. Des échanges souvent virulents entre le ministre des Affaires étrangères égyptien et le pouvoir turc font planer la menace d’une possible escalade.

Quant à Israël, il est en état de guerre virtuelle avec son voisin libanais depuis 1948. Même si les derniers affrontements réels remontent à 2006, les tensions sont bel et bien là. Les deux pays se disputent depuis 2011 une zone maritime de plus de 850 km2. Suite à des découvertes de gaz, Israël a adopté cette année-là le tracé de sa zone économique exclusive (ZEE) plus au Nord que ce qu’avait indiqué le pays du Cèdre aux Nations-unies. Ce dernier avait pourtant respecté la Convention des Nations-unies sur le droit de la mer (CNDUM), non-ratifiée par Tel Aviv.

Pourquoi une telle dispute ? Parce que tous les géologues s’accordent à dire que d’importantes ressources gisent sous les eaux territoriales du Liban, notamment à la limite de la frontière contestée. Ces ressources s’avéreraient être d’une aide précieuse à une économie libanaise atone et endettée.  Mais Israël ne veut pas accepter que son voisin puisse lui aussi profiter de la manne gazière. Et alors que des solutions existeraient pour régler ce contentieux, la posture d’Israël – ne ratifiant pas les traités internationaux – les rendent inenvisageables pour l’heure.  

Malgré cette situation compliquée, des multinationales semblent prêtes à donner sa chance au pays du Cèdre. Un contrat d’exploration et production a été signé en janvier 2018 entre Beyrouth et trois majors pétrolières (Total, Eni, Novatek). C’est un message fort adressé par l’industrie pétrolière, extrêmement politique : elle est prête à investir au Liban, et qui plus est en zone contestée. Elle y voit dans ses eaux un potentiel considérable, et serait éventuellement prête à s’y risquer.

Les intérêts commerciaux pourraient-ils alors primer sur les tensions géopolitiques ? Rien n’est moins sûr. Cette annonce a en effet été suivie par des échanges musclés entre Avigdor Liberman, ministre israélien de la défense, et Michel Aoun, président libanais. Pire encore, le Hezbollah a directement menacé les opérations offshores d’Israël, si le pays remettait en cause la souveraineté de Beyrouth sur ses eaux territoriales. Alors qu’Israël redoute un conflit avec le Hezbollah chiite, renforcé par la guerre en Syrie, le gouvernement Netanyahou n’hésite pas à adopter un ton aussi agressif que son adversaire. Ce qui fait craindre aux analystes une possible escalade qui pourrait dégénérer en conflit armé alors que l’ennemi iranien, allié du Hezbollah, jouit d’une véritable assise militaire en Syrie, aux portes d’Israël.

A l’heure où le Liban table encore sur une possible résolution du litige par l’ONU, l’espoir demeure. D’ici là, souhaitons qu’aucun des deux camps ne dépasse la ligne rouge.

Gaspard VELTEN

 

Sources:

https://www.nytimes.com/2017/01/14/world/middleeast/israel-energy-boom.html

https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-02-19/noble-delek-sign-15-billion-deal-to-export-israel-gas-to-egypt

http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/578044/EXPO_STU(2017)578044_EN.pdf

https://oilprice.com/Energy/Natural-Gas/An-Eastern-Mediterranean-Offshore-Gas-War-Is-Brewing.html

https://website.aub.edu.lb/ifi/publications/Documents/policy_memos/2017-2018/20180121_geopolitics_oil_and_gas_lebanon.pdf

https://www.reuters.com/article/us-natgas-lebanon-israel/israel-lebanon-clash-over-offshore-energy-raising-tensions-idUSKBN1FK1J0

https://www.monde-diplomatique.fr/2015/10/EL_KHOURY/53934

 

 

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