Cet article, publié dans une première version le, 6 novembre 2017, s’inscrit dans IMAGINE FRANCE, la rubrique de la France des innovations et des transitions, animée par Philippe Boyer, blogueur et écrivain, et Raymond Taube, directeur de l’Institut de Droit Pratique, en partenariat avec StragIS, expert en gouvernance des transitions.
Le président de la République, Emmanuel Macron, est aux Antilles pour une visite de quatre jours, notamment pour évaluer la reconstruction des îles détruites par l’ouragan Irma en 2017.
Edouard Philippe, premier ministre, s’était déjà rendu en novembre dernier à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, deux mois jour pour jour après le passage de l’ouragan Irma qui avait dévasté dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017 les deux îles françaises des Antilles.
C’est un morceau de France qui avait été meurtri, entièrement rasé dans certaines zones.
Que faire ? Sur le coup, les autorités françaises ont été accusées d’avoir tergiversé, de n’avoir pas anticipé sur le drame annoncé. N’entrons pas dans la polémique. Un pont aérien inédit dans l’histoire de France, selon les dires de l’état-major du président de la République en route vers le lieu du drame, a été mis en place immédiatement. Un Délégué interministériel, Philippe Gustin, a été nommé. Des moyens conséquents mobilisés pour colmater les brèches, déblayer les rues, les routes et les bâtiments, notamment publics, soigner les plaies des habitants, bref faire face aux urgences de première nécessité.
Mais la question se pose : comment reconstruire Saint-Martin et Saint-Barth ? Comment augmenter les moyens de protection contre de possibles ouragans qui ne manqueront pas de déferler à l’avenir dans la région ?
On ne peut reconstruire à l’identique lorsque l’on voit les destructions occasionnées par Irma.
C’est pourquoi cette tragédie peut être l’occasion de réinventer l’avenir de ces deux îles dans le cadre d’une reconstruction originale, audacieuse et innovante qui donnera de l’espoir, de l’énergie, un projet de vie et du travail à une population qui se sent délaissée et sans avenir.
Sur les ruines laissées par l’ouragan, pourquoi ne pas bâtir une smart island à Saint-Martin et Saint-Barth ? Ces deux îles pourraient devenir en quelques années LA capitale digitale et le hub numérique pour toutes les Antilles.
Que ce soit dans le bâti, avec des normes parasismiques les plus exigeantes et des constructions à énergie positive faisant appel aux progrès les plus aboutis en matière de logement respectueux de l’environnement, que ce soit dans les métiers que l’on peut développer sur place en incitant des start-ups à s’y installer, Saint-Martin et Saint-Barth peuvent s’inventer un nouvel avenir qui les feraient entrer dans la modernité de plain-pied.
Saint-Martin et Saint-Barth pourraient accueillir ds infrastructures IT et des réseaux telecoms feront permettant d’y développer la 5G, des cloud data centers.
Et puisque Edouard Philippe est sur place pour la rentrée scolaire, cette conversion de ces deux îles au tout-numérique seraient l’occasion d’y développer des programmes d’apprentissage et de formation pour une population dont le taux de chômage est élevé.
Résilience des villes, résilience des îles
Dans un monde de plus en plus peuplé, urbanisé et confronté à des phénomènes climatiques violents, la pression exercée sur les villes et leurs infrastructures s’accroît. L’enjeu principal de tous ceux en charge d’administrer la ville consiste à créer les conditions d’un renforcement de la résilience des villes. Cela passe avant tout par l’anticipation des risques plutôt que par la seule reconstruction suite à une catastrophe naturelle.
Les exemples commencent, heureusement, à foisonner. Ils peuvent inspirer la reconstruction de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ainsi l’exigence de « prévenir plutôt que guérir » est celle du programme « 100 RC » pour « 100Resilient Cities ». Développé par la Fondation Rockefeller, cette initiative est destinée à aider une centaine de grandes villes à pousser plus loin leur stratégie en matière de développement durable et de résilience.
Le cas de Rotterdam mérite aussi que l’on s’y arrête tant les investissements réalisés ont permis d’éviter à cette ville d’être régulièrement submergés par les eaux, qu’elles proviennent des orages ou des crues. La solution a passé par la création d’un réseau de « water squares » destinés à absorber le trop-plein des précipitations. Construits comme de petites places, ces espaces qui se trouvent au pied des habitations sont d’abord à la fois des espaces publics et, en période de crise, des déversoirs pour des eaux tumultueuses.
Plus largement, cette idée de résilience des villes est désormais au cœur des réflexions sur l’urbanisme à l’heure des défis majeurs du changement climatique, de la construction urbaine à grande échelle, de l’épuisement des ressources naturelles et de la pollution urbaine massive. Passé le temps des remparts, une ville, comme une île, reste un territoire à défendre et des populations à protéger. Alors que dans les dix prochaines années, le nombre des réfugiés climatiques pourrait s’élever à plusieurs dizaines de millions de personnes du fait des ouragans et autres catastrophes naturelles, il y a urgence à repenser l’aménagement ou la reconstruction de territoires menacés. Cela passe notamment par le partenariat public-privé. En France, nous ne manquons pas de grands groupes d’infrastructures et de services capables d’apporter leurs soutiens et leurs expertises à l’instar de Veolia et de l’assureur Swiss RE qui se sont associés pour proposer à la ville de La Nouvelle Orléans une gestion globale des risques, notamment le risque majeur d’inondation suite au passage meurtrier de l’ouragan Katrina en 2005.
Le tourisme, la douceur de vivre, la retraite paisible faisaient la marque de ces îles françaises dans les Antilles. Avec l’envers du décor à Saint-Martin, marquée aussi par la grande pauvreté et des pressions migratoires très fortes.
Le lendemain de l’ouragan, Saint-Martin et Saint-Barth se sont retrouvés comme en année 0. Un nouveau départ, un nouvel avenir à imaginer, à bâtir. La transformation de ces îles en hub digitaux et innovants élargirait leur horizon d’avenir en diversifiant les sources de développement maîtrisé de ces petits paradis de France.
Philippe Boyer, directeur de l’innovation de Foncière des Régions et auteur de Ville connectée – vies transformées – Notre prochaine utopie (2015), Editions Kawa,
Patrice Cristofini, président du club e-santé du CEPS,
Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale
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