La tension monte entre la France et l’Iran pour cause, selon Paris, de tentative déjouée d’attentat commandité par les services de Renseignement iranien. Plus largement, alors que le dernier avion de la compagnie Air France en direction de Téhéran s’est envolé de Paris le 18 septembre dernier, A l’invitation du think tank L’Hétairie, Sylvain Gaillaud, doctorant en histoire contemporaine (Rennes 2) et spécialiste des relations avec l’Iran, revient sur l’histoire des rapports entre la France et ce pays à l’influence stratégique dans le Moyen-Orient. Il recourt à une jauge originale de ces relations : l’histoire de la ligne aérienne Paris-Téhéran.
Nouveaux risques de détérioration des relations Paris – Téhéran
Dans ces conditions, l’annonce de la cessation de la liaison aérienne entre Paris et Téhéran n’est que le nouvel épisode d’une liste déjà longue. Et cette tendance au repli s’accélère et se généralise, British Airways imitant l’interruption de la desserte de l’Iran le 22 septembre.
Outre les effets dévastateurs qu’il promet d’avoir sur une économie iranienne en proie à une inflation galopante, il est à craindre que ce repli des acteurs économiques ne conduise au remords d’un nouvel avivement des tensions avec la République islamique. La France demeure à ce jour signataire d’un texte dont l’Iran respecte la lettre, comme le confirment les inspections régulières de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique.
Or, la pression des sanctions extraterritoriales contraint Paris à se soumettre par dépit à la politique de confrontation imposée à l’Iran par Donald Trump. Le risque est grand que les conservateurs iraniens perçoivent cette situation comme une nouvelle preuve du manque de fiabilité de ses partenaires occidentaux, mais aussi du peu de crédit à accorder à la voie de la diplomatie et aux voix de la communauté internationale.
Dans un contexte de faible emprise de la présidence française sur l’ami américain, les incertitudes pesant sur le mécanisme anti-sanctions destiné à faciliter les transactions financières proposé par l’Union européenne sont encore trop importantes pour restaurer la confiance. Le précédent des contrats des années 1970 et celui des conflits des années 1980 laissent craindre les dimensions dramatiques d’une détérioration future des relations entre la République française et la République iranienne.
D’autant que, depuis la nomination en juin de François Sénémaud comme représentant personnel d’Emmanuel Macron pour la Syrie, le poste d’ambassadeur à Téhéran demeure vacant. Et la nomination d’un successeur a été ralentie par la découverte de l’implication de certains cercles du pouvoir iranien dans une tentative d’attentat visant l’opposition iranienne déjouée en France au mois de juillet.
Le « en-même-temps » macronien entre Etats-Unis et Iran
Dans ce contexte d’incertitudes, la publication d’une note interne au Quai d’Orsay à la fin du mois d’août a renforcé le malaise. Le texte recommandait aux diplomates et fonctionnaires français de reporter leurs éventuels voyages dans le pays. Il a été justifié peu après par un durcissement de la position de l’Iran à l’égard de la France.
Et, deux semaines plus tard, l’attaque de l’ambassade iranienne en France par un groupe d’individus a aiguisé les tensions : les autorités iraniennes ont critiqué la lenteur de la réaction des autorités et demandé au Gouvernement français de prendre les mesures nécessaires pour la protection des missions diplomatiques. L’injonction sonne comme un écho aux prises d’otages de Téhéran qui avaient dynamisé la Révolution iranienne, dont la République islamique s’apprête à célébrer le quarantième anniversaire.
Lors de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices qui s’est tenue le 27 août au palais de l’Elysée, le président Macron a rappelé que « la France a proposé le chemin d’une négociation élargie avec l’Iran ». Si l’on veut lui trouver une substance dans la pratique de la politique étrangère, le « en-même-temps » macronien serait bien inspiré de veiller à la pérennité de relations acceptables tant avec les Etats-Unis, qui ne sauraient perdre leur statut d’allié incontournable, qu’avec la République iranienne, qui devrait demeurer un interlocuteur indispensable.
Alors la ligne Paris-Téhéran pourra à nouveau sortir de ses zones de turbulences et clarifier les horizons de la diplomatie.
Sylvain Gaillaud
Doctorant en histoire contemporaine (Rennes 2), spécialiste des relations avec l’Iran
Hier : 1. Quand Air France illustre les errances de la diplomatie
L’Hétairie est un think tank présidé par Florian Vadillo qui a pour objet de produire et de diffuser une réflexion de gauche sur l’ensemble des sujets qui structurent la vie politique française. Elle contribue au débat d’idées par des propositions destinées à mettre en valeur les contributions de ses membres. Elle entend participer au renouveau de l’action publique.