LREM serait en pleine crise existentielle selon certains observateurs et militants. Démissions, déceptions seraient de mise sauf dans certains territoires.
Opinion Internationale a rencontré une marcheuse de la première heure, une militante de base comme on dit. Le témoignage de Lucie Breugghe, adhérente dans les Hauts de Seine, professeure des écoles et Doctorante en sciences sociales de son état, est vite devenu un appel au président de la République en tant que fondateur du mouvement pour un retour aux sources.
A quelques jours du Conseil national d’En Marche qui aura lieu à Paris, Opinion Internationale publie donc l’appel de cette marcheuse à Emmanuel Macron. La marcheuse a décidé, plutôt que de démissionner ou de baisser les bras, de sonner le tocsin, de façon ferme mais constructive.
Sera-t-il temps de redonner à LREM l’élan qui l’a porté au pouvoir ? A quelques mois des élections européennes et alors que se fourbissent les armes locales en vue des prochaines élections municipales, c’est peut-être le moment ou jamais de reprendre le fil de l’action.
MT
« Monsieur le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron,
Depuis le 7 mai 2017 vous êtes président de la République et depuis juin 2017 le mouvement La République En Marche est la première force politique du pays.
Du premier jour de LREM le 6 avril 2016 à la victoire présidentielle, vous avez porté une dynamique de renouveau et de modernité. Votre énergie était transgressive et vous étiez, alors, à ce moment-là, en pleine capacité de briser les codes et de bousculer le vieux monde politique. Nous avons cru à cette révolution en marche et nous nous sommes mobilisés pour vous porter au pouvoir.
Or à peine veniez-vous d’atteindre le firmament, que cette volonté de changement semble s’être érodée… Le renouveau d’un premier temps a laissé place à une logique de pouvoir vertical, logique qui a largement déteint au sein du mouvement La République En Marche et qui déçoit un grand nombre d’entre nous.
Je me garderai bien ici de juger votre politique à la tête de l’Etat même si, tout en souhaitant tout autant qu’aux premiers jours que vous réussissiez, que nous réussissions, je comprends, pour tout vous dire, que de réelles déceptions montent dans le pays : pour aller vite, il semble bien difficile de concilier les piliers de droite et de gauche dans votre méthode du « en même temps ».
Monsieur le Président, un rebond, un nouveau souffle, un nouveau départ doivent être insufflés aujourd’hui. Et ce nouvel élan, c’est aussi au sein de LREM qu’il doit se concrétiser. C’est le sens de l’appel que je vous adresse aujourd’hui à quelques jours de la réunion du Conseil national à Paris. Car vous êtes et vous restez le capitaine de notre navire.
L’enjeu est de taille et il y a urgence ! Vous aurez, nous aurons très prochainement à nouveau besoin des marcheurs pour les élections européennes en 2019 et les municipales en 2020.
Certes, en organisant LREM tel que vous l’avez fait en 2017, vous avez certainement eu raison de craindre le syndrome des frondeurs qui a miné le parti socialiste et le pouvoir de votre prédécesseur. Mais manifestement LREM n’a pas trouvé l’équation, le « en même temps », entre efficacité et démocratie locale. Résultat, la désertion des militants, vous le savez, est massive et risque de nous freiner considérablement dans le dessein d’enraciner durablement LREM dans le paysage politique, notamment lors des prochaines municipales.
Les causes de ces désertions doivent être traitées. Trop de dysfonctionnements ont cassé la dynamique initiale : cooptations, nominations par le haut après de pseudo-consultations de la base, tirages au sort ont déçu. Le congrès fondateur de La République En Marche le 8 juillet 2017 a causé beaucoup de dégâts : seul le Conseil national composé de 800 membres dont seulement 200 marcheurs sur 373 000 a voté pour l’élection de notre Délégué général. Et les Marcheurs ne sont pas dupes : parmi les 24 devenus 30 membres du Bureau exécutif de La République En Marche, combien sont des marcheurs de la première heure ? Combien ont fait du porte-à-porte lors des différents événements promus par le mouvement, et in fine, combien participent à des réunions de comité ?
Certes, on nous demande parfois notre avis sur tel ou tel enjeu d’avenir (tout en oubliant trop souvent de nous tenir au courant de la prospérité de nos idées), mais le seul vote qu’ont pu effectuer les « marcheurs de base » de LREM, depuis sa création, ce fut pour l’adoption des statuts du mouvement. Et il se dit que le taux de participation fut très faible. En fait, les marcheurs, les militants, n’ont pas de statut dans le mouvement.
Le choix de faire nommer par la direction nationale les référents territoriaux (représentants du mouvement au niveau local), au lieu de laisser les marcheurs les élire comité par comité, a démobilisé dans de nombreux territoires. Ces référents, véritables charnières entre la direction et les marcheurs, manquent de moyens, surtout dans les territoires ruraux. Beaucoup s’épuisent. Certains démissionnent. Des baronnies locales se forment également comme aux plus « grandes » heures des partis traditionnels.
Il faut repenser En Marche !
Monsieur le Président, il faut repenser En Marche. En abandonnant le pouvoir horizontal et participatif des débuts d’En Marche, vous avez coupé le lien qui vous unissait avec les marcheurs. Il faut urgemment sortir La République En Marche de cette contradiction entre une horizontalité proclamée et une verticalité factuelle.
Il faut aussi travailler sur la sociologie du mouvement qui est très loin d’être représentative de la diversité sociale de notre pays. Pour un mouvement qui s’enorgueillit d’être le reflet d’une nouvelle France, c’est un véritable obstacle à notre développement…
Au final, je me demande parfois, et je ne suis pas la seule, si En marche n’a pas été créé juste pour vous porter au pouvoir. La preuve ? Sur la page « qui sommes-nous ? » du site du mouvement, le récit s’arrête au 4 mars… 2017 !
Monsieur le Président, nous avons cru dans ce nouveau monde que promettait votre candidature, cette manière de penser, de faire de la politique autrement, un monde qui ne fonctionnerait plus de manière clanique et qui ne se heurterait plus à la pesanteur des cultures partisanes et des calculs électoraux.
Je ne suis pas de celles et ceux qui ont envie de démissionner ou de créer une opposition interne. J’en appelle aux valeurs et à l’éthique que vous avez portées dès le début de notre aventure : nous pouvons relancer la dynamique initiale.
Réfléchissons alors ensemble pour créer enfin un vrai mouvement démocratique. A nous d’inventer de nouvelles solutions, de nouvelles formes de participation institutionnellement organisées afin de maintenir et de développer cette dynamique des marcheuses et des marcheurs qui vous a portée au pouvoir.
Il est encore possible d’inventer et de tracer ensemble les voies de ce nouveau monde. »
Lucie Breugghe
Marcheuse de la première heure