Cœur et symbole de l’Union européenne, la Belgique a fait le choix de la soumission aux Etats-Unis : loin d’être un choix opérationnel et industriel qui s’impose par ses performances, l’acquisition du F-35 est, au contraire, un choix imposé par les Etats-Unis auquel la Belgique a malheureusement accepté de se soumettre.
La Belgique n’en tirera aucun avantage : ni opérationnel car le F-35 est un avion qui impose, de fait, la dépendance technologique aux choix de l’Armée de l’air américaine ni industriel car la Belgique ne fait même pas partie des pays partenaires et n’aura donc que des miettes pour son industrie locale.
Par ce choix, Bruxelles ne fait que contribuer à affaiblir l’industrie européenne aéronautique. Si les Belges avaient opté au contraire pour le Rafale de Dassault, ils auraient fait le choix logique d’un avion de souveraineté et, à terme, avec le SCAF (système de combat de l’avion du futur), c’est-à-dire le futur avion européen développé par Airbus et le français Dassault, celui d’une véritable autonomie stratégique européenne.
Le parti libéral de droite NVA, actuellement au gouvernement à Bruxelles, et qui n’a cessé depuis 2009 de jouer contre l’Europe, révèle enfin sa véritable fonction : être un faux nez de l’influence américaine en Europe.
Après le simulacre d’appel d’offres joué par les Pays-Bas, il y a plus de dix ans, voici donc qu’un autre pays fondateur de l’Europe fait un choix militaire à rebours de sa ligne diplomatique.
Ce choix belge en faveur d’un avion mal né et coûteux, devrait ouvrir nos yeux quant à l’écart entre l’idéologie officielle de « l’Europe de la défense » et la réalité d’une défense restant bel et bien sous tutelle américaine.
Décidément l’Europe-puissance apparaît encore bien loin de nous, prise en tenaille entre l’atlantisme qui arrime l’Europe à Washington, et le piège du souverainisme lequel menace de jeter tout l’édifice européen à terre.
Pour Paris et Berlin, mais aussi pour toutes les nations qui, en Europe, partagent cette vision, l’autonomie stratégique européenne doit devenir une priorité. Toutes doivent se battre afin que l’Union européenne modifie les règles du jeu et introduise une clause de préférence européenne dans les acquisitions stratégiques militaires, sous peine de perdre le droit aux aides structurelles européennes. Cet impératif devrait s’imposer dans le débat des prochaines élections européennes de 2019 !
La possibilité d’une Europe-puissance passe par cette exigence, autant que par celle d’une Europe-civilisation fière de son identité multimillénaire.
Aymeric Chauprade est géopolitologue et député européen. Il a notamment publié « Chroniques du choc des civilisations », un atlas du monde multipolaire.