Onze ans après la signature d’un premier protocole en 2007 avec Nicolas Sarkozy, un peu plus de sept ans après le lancement des travaux et les premiers coups de pioche en 2011, le projet de train à grande vitesse du Maroc est finalement sorti de terre. Un projet pharaonique qui aura nécessité quelque 2,13 milliards d’euros et auquel la France, partenaire stratégique du Royaume, a apporté toute son expertise et la moitié du financement pour mener à bon port cette réalisation historique sur le continent africain.
Cet article, et symboliquement la venue du président Macron au Maroc, inaugure la rubrique « Maroc pluriel » que lance Opinion Internationale.
Les relations de la France avec l’Afrique ont changé et sont aujourd’hui partenariales et souvent économiques. Et donc ce nouveau partenariat, le Maroc tient une place centrale. C’est peut-être le message qu’Emmanuel Macron a voulu délivrer en faisant un aller – retour aujourd’hui entre le porte-avion Charles de Gaulle la nuit passée et le Goncourt des lycéens à Paris ce soir…
Car l’occasion était trop belle de donner corps à cette nouvelle relation. C’est parti en effet ! Le Maroc (et l’Afrique !) dispose désormais de son TGV, baptisé Ligne à Grande Vitesse (LGV). Première sur le continent africain, cette réalisation titanesque aborde, aujourd’hui, sa phase de lancement. Ce train qui relie les villes de Tanger à Rabat et à terme à Casablanca et Kenitra effectuera, ce jeudi, son premier voyage officiel, après une batterie de tests dynamiques s’étant révélés concluants.
Pour son baptême, le train aura à son bord des passagers peu communs : le roi du Maroc, Mohammed VI, et le président de la République française, Emmanuel Macron, qui a spécialement effectué ce déplacement dans le Royaume marocain pour cette inauguration, sur invitation du Palais.
Les deux chefs d’Etat, qui, selon nos sources, auront la chance de partager un déjeuner préparé par le chef et servi par la brigade de la célèbre Mamounia, auront un entretien politique dans un wagon de tête qui peut être lancé à 357 km / h, record établi en juin dernier lors d’essais techniques. Ils pourront, ainsi, constater de visu l’aboutissement de ce projet colossal – un des plus emblématiques de cette dimension économique et partenariale de la coopération entre les deux pays.
L’investissement a été de 23 milliards de DH (2,13 milliards d’euros), dont une quote-part de plus de 10 milliards de DH assurée par l’Hexagone (le Trésor et l’AFD, Agence Française de Développement). Cette somme ne doit pas occulter pourtant le fait que le coût de fabrication et de développement du kilomètre de cette LGV est de 8 millions d’euros, contre 20 millions pour la ligne Paris – Bordeaux par exemple.
L’on retiendra aussi pour le financement de l’opération les contributions de pays et d’organisations avec lesquels le Maroc entretient de très bons rapports, à l’image du Fonds saoudien pour le développement, du Fonds koweitien pour le développement économique arabe, du Fonds d’Abu Dhabi pour le développement et du Fonds arabe pour le développement économique et social.
De grandes entreprises françaises ont contribué à ce projet : citons Alstom, dont les rames de tramway sillonnent, depuis des années, les artères des capitales économique et administrative du Royaume, et qui avait aussi décroché l’appel d’offres relatif à la fourniture des rames de la LGV.
Cette nouvelle ligne a vu le jour grâce, également, à la contribution du groupe industriel français Cegelec, du consortium Colas Rail-Egis Rail.
En partenariat avec la SNCF (Société nationale des chemins de fer de France), l’assistance à maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’Office national des chemins de fer du Maroc (ONCF). Ledit partenariat portait sur la mobilisation d’une cinquantaine d’experts français de la Grande Vitesse, durant toute la période de réalisation du projet LGV, qui ont travaillé en étroite collaboration avec les cheminots marocains dans le cadre d’un partage d’expériences bénéfique aux deux parties. Le directeur général de l’ONCF, Mohamed Rabie Khlie, et Guillaume Pepy, le président de la SNCF, seront évidemment présents lors de l’inauguration.
Ce chantier va aussi changer la vie des Marocains et plus particulièrement des acteurs économiques du Royaume : le trajet reliant Tanger et Rabat, qui ouvrira dans quelques jours, ne nécessitera plus que 1h 20 mn au lieu de 3h45 mn jusqu’à présent.
Une fois totalement déployée, la LGV, qui couvrira à terme une distance de quelque 350 kilomètres, joindra en 2h10 mn au lieu de 4h45 mn la région de Casablanca-Settat et celle de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, figurant parmi les régions les plus dynamiques du Royaume. Parallèlement, la liaison Tanger-Kénitra sera effectuée en 47 mn au lieu de 3h15 mn.
Au cours de ce voyage inaugural, les nouvelles gares TGV de Tanger-Ville et Rabat-Agdal seront inaugurées. A la veille de cette inauguration, certains chantiers tournaient en H24, avec des équipes qui se relayaient dans ce qui semblait être des travaux de finition, à l’image de la nouvelle gare LGV de Tanger, animée jour et nuit tout au long de la semaine dernière.
Al Boraq
Quand on se souvient des changements structurels que le déploiement du TGV a entraînés en France, assurant le décollage économique de nouvelles régions, on comprend que le Royaume marocain ait mis ce chantier parmi les grandes priorités de sa Majesté le Roi.
Cet événement annonce à certains égards une année 2019 qui devrait consolider le développement économique du Maroc, année des vingt ans de règne du Roi Mohammed VI.
L’enjeu de la visite du président français, qui sera notamment accompagné de grands patrons, de Jean-Yves Le Drian et de Christophe Castaner qui prolongera son séjour par des entretiens bilatéraux sur les questions de sécurité, est également stratégique : l’Espagne a dépassé la France dans les échanges économiques avec le Maroc. Le message est donc clair et nous l’avons vérifié sur place avec les entrepreneurs français emmenés par la Chambre Française du Commerce et de l’Industrie et son président Philippe-Edern Klein : doubler à nouveau nos amis espagnols le plus rapidement possible. Cette LGV franco-marocaine et ses 357 km/h feront l’effet d’une propulsion pour retrouver le leadership de la relation économique entre le Maroc et la France.
Enfin, les deux chefs d’Etats dévoileront le logo de la nouvelle ligne à qui le Roi a donné comme nom Al Boraq (Pégase en français), inspirée de la mythique monture ailée du Prophète Muhammad réputée rapide, et qui évoque la gloire, le triomphe et le voyage.
L’ONCF a lancé par ailleurs un concours citoyen et créatif pour la conception du logo du TGV Al Boraq qui sera dévoilé ce midi par les deux dirigeants.
Notre reportage photos :
Michel Taube avec Soulaymane Andaloussi