Politique
08H56 - samedi 24 novembre 2018

Gilets jaunes : Aux armes, citoyens ?

 

Hors syndicats et mouvements politiques, le mouvement des gilets jaunes a un parfum d’insurrection qui flotte désormais autour de l’Élysée…

C’est parfois un fait a priori anodin qui déclenche la guerre… Ou la révolution. Celle-ci est généralement le résultat d’une accumulation de déceptions, de désespérance et d’exaspération. Telle la fameuse goute d’eau qui fait déborder le vase, arrive le moment où trop, c’est trop, ce moment où on en a vraiment marre, celui où on n’a plus confiance, celui où on n’a plus rien à perdre.

Penseurs, philosophes, sociologues, politiques… Ils ont chacun leur analyse des choses et du monde, mais tous ou presque s’accordent sur un point : les deux principaux fléaux qui menacent l’humanité sont la destruction de l’environnement et la montée exponentielle des inégalités. Quel paradoxe que de voir la fiscalité écologique déclencher une révolte contre les inégalités !

Quelle est la légitimité d’un système permettant à 1 % de la population mondiale de posséder plus que les 99 % restants car c’est ce qui pourrait arriver à terme et plus rapidement que ce que l’on croit ? Par essence, la finance doit servir l’économie, elle-même au service de l’homme. Cela n’exclut pas la liberté d’entreprendre et n’implique pas l’égalité absolue à la sauce marxiste, d’autant plus que les marxistes n’ont su mettre en œuvre qu’un capitalisme d’État plus virulent, absurde et en définitive, inégalitaire, que le capitalisme libéral. Un jour, ces 99 % se réveilleront…

A priori, la France n’en est pas là. Elle jouit encore du « black friday » et prépare Noël. Mais le mouvement des gilets jaunes, de par sa nature et le soutien populaire dont il bénéficie, s’apparente à une jacquerie, un soulèvement populaire, qui comme de nombreuses révolutions a comme point de départ une insupportable pression fiscale.

Pourtant, il serait injuste de faire peser sur le seul gouvernement et plus encore sur le président de la République l’entière responsabilité de ce ras-le-bol généralisé. Ce n’est pas Emmanuel Macron qui fixe le prix du baril et le niveau des taux d’intérêt. Plus généralement, le pouvoir politique, malgré l’illusion dorée des fastes d’une République néo monarchique, ne pèse pas lourd face au marché, dans une économie mondialisée, avec ou sans Union européenne.

Le soutien de l’opposition politique aux gilets jaunes ne trompe personne. Au contraire, la mauvaise foi est si flagrante qu’elle ne peut que renforcer la défiance du citoyen. La palme de cette si mauvaise foi revient sans doute à Jean-Luc Mélenchon : hier, il voulait bannir le diesel et aujourd’hui, il peste contre sa taxation et dénonce la hausse des impôts, alors que le vertigineux coût fiscal de son programme aurait conduit des millions de gilets jaunes dans la rue.

Comme Robespierre qu’il admire, attention à ce qu’il ne finisse son parcours sur la guillotine, place de Grèves, devenue celle d’une concorde disparue. Pardon, nous oubliions que la peine de mort a été abolie en France et dans l’Union européenne…

Mais les autres politiques de tous bords ne sont ni plus sincères, ni plus crédibles, en particulier les extrêmes qui se ressemblent tant qu’elles tendent à s’assembler, ici comme ailleurs. C’est parce que les Français en ont conscience qu’ils pourraient aussi tous enfiler demain leur gilet jaune. Déjà (ou enfin) le pouvoir doute : l’Élysée a annoncé en catastrophe, le 22 novembre au soir, à quelques heures du grand rassemblement parisien des gilets jaunes, que la fiscalité écologique va être refondue.

À tort ou à raison, les Français considèrent que l’écologie est un prétexte pour augmenter la pression fiscale. La baisse des cotisations sociales et des impôts locaux, pourtant bien réelle, n’y fait rien. Le sentiment prévaut que ce qui est donné d’une main est repris de l’autre, et avec intérêts. Quoi qu’on en dise,

Emmanuel Macron avait peut-être raison d’abroger l’impôt sur la fortune, une singularité française qui encourageait la fuite de capitaux indispensables à la bonne marche de l’économie. Mais en commençant son quinquennat par cette mesure, il s’est lui-même étiqueté « président des riches ». Aujourd’hui, la fiscalité, notamment écologique est ressentie comme une tambouille indigeste pénalisant les plus pauvres, devenue toute la classe moyenne, donc la majorité des Français, en voie de paupérisation.

Malgré le concours de circonstances qui a contribué à l’élection d’Emmanuel Macron, son avènement a suscité de nouveaux espoirs. La « vraie vie » n’est pas dogmatique. Elle est « en même temps ». Pourtant, nombreux sont déjà ceux qui pensent que la partie est perdue, dix-huit mois après l’élection présidentielle. Mais c’est certainement aller trop vite en besogne, d’autant qu’aucune alternative n’est crédible aux yeux des Français. Là réside (en même temps) la chance d’Emmanuel Macron et le risque majeur de voir vaciller les institutions et même la démocratie. Les gilets jaunes en sont-ils les prémisses voire la première étape d’une insurrection révolutionnaire ? S’inscrivent-ils dans un mouvement mondial contre les inégalités ? La Révolution française, celle de 1789, avait une vocation universelle. Mais elle ne déboucha pas sur une idylle fraternelle et égalitaire.

Emmanuel Macron fut brillant dans la conquête du pouvoir. Les gilets jaunes et toutes les frustrations qu’ils portent lui donnent l’occasion de démontrer son savoir-faire dans l’exercice du pouvoir.Manifestement, il y a urgence.

 

Léo Duval

 

 

 

 

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