Dur défi de prévoir l’avenir de l’année 2019. Il est d’ailleurs probable que les lecteurs de cet article se gazeront à la fin de l’année prochaine de ce qu’ils auront lu. C’est pourtant le challenge que nous propose aujourd’hui Opinion Internationale. Certes, les sciences sociales n’ont jamais eu pour objectif de théoriser des scenarii sur l’avenir des sociétés. Mais le jeu est intéressant, car il force à offrir au gré de ce que nous connaissons déjà, une tentative de pistes de réflexion sur les grands enjeux d’avenir ou plutôt toujoursà venir comme le disait le philosophe Jacques Derrida à propos de la démocratie. Ainsi, comment imaginer l’année 2019 ?
En matière de prévisions les philosophes, économistes, sociologues ou intellectuels se sont souvent, voire presque toujours, trompés. Il suffit de se rappeler la « une » d’un grand quotidien français qui, quelques mois avant mai 1968, titrait « La France s’ennuie ! ». Peu de temps après, la révolte étudiante 1968 allait changer la face de la France et comme une trainée de poudre se répandre dans le monde entier. Que dire encore de l’excellent penseur Joseph Schumpeter dont la somme des analyses philosophiques, économiques et géopolitiques furent pendant longtemps raillés par ses pairs. En effet, le théoricien professeur à Harvard était, convaincu des bienfaits du capitalisme, mais n’en estimait pas moins pour autant la supériorité du système socialiste soviétique et sa victoire finale. Qu’aurait-il dit, s’il avait vécu assez longtemps lors de la chute du mur de Berlin en 1989 ! Ce que prouve l’œuvre immense de Joseph Schumpeter est sûrement que l’on peut être un chercheur érudit, et ne pas savoir de quoi l’avenir sera fait.
Mais alors pourquoi une édition spéciale d’Opinion Internationale sur 2019 ou sur comment imaginer 2019 ? Peut-être parce que ce genre de question nous invite, comme le disait Michel Foucault, à « penser autrement ». Imaginer 2019, c’est tenter de prévoir ce qui peut être mis en place ici et maintenant pour un futur proche. Imaginer 2019 c’est aussi essayer de combler cette « irrésistible envie de savoir » qu’évoque Catherine Bréchignac dans son dernier ouvrage.
Mais Imaginer 2019, n’est pas non plus sans nous rappeler la célèbre chanson de John Lennon et la mise en poésie d’un monde de paix. Alors, prêtons-nous aussi à ce jeu. L’année 2019 sera l’année de la paix ! Enoncée comme cela, cette phrase paraît sortir d’un concours de « miss de Beauté » aussi stéréotypé que ridicule. Quand on sait que depuis la deuxième guerre mondiale des chercheurs ont établi que la période la plus longue pendant laquelle le monde n’avait connu aucun conflit armé n’a jamais dépassé trois semaines consécutives. Rien ne laisse penser que l’année 2019 sera une année meilleure et assurant une paix mondiale. Pourtant si nous tentons de « penser autrement » rien ne nous empêche de prédire le contraire. Certes, les conflits au Moyen Orient dans la mer noire, en Afrique ou même en Amérique latine ne laissent présager rien de bon pour 2019. Mais qui aurait pu croire que Nelson Mandela finirait un jour par sortir de prison après plus d’un quart de siècle pour devenir président de l’Afrique du Sud et en finir avec l’Apartheid. Alors soyons prudents quant aux prévisions pessimistes qui font appellent aux passions tristesdont parlait Spinoza. L’écrivain Georges Bernanos rappelait que « les optimistes sont des imbéciles heureux quant aux pessimistes ce sont des imbéciles malheureux ».
Dès lors, l’année 2019 sera peut-être celle de la réunification des deux Corées, de la fin du conflit au Moyen Orient, de la fin des guerres en Afrique, du respect des résolutions de paix de l’ONU, de la prise de conscience que le terrorisme aveugle n’est jamais le bon chemin, que les « Lumières » ne seront plus seulement une expression pour qualifier les brillants penseurs du XVIIèmeet XVIIIèmesiècle mais aussi celle de l’avènement d’une nouvelle génération d’humanistes dont l’influence débutera en 2019…
Et, si dans les méandres d’un monde qui semble aujourd’hui en décomposition, et parce que justement on ne peut prévoir l’avenir, j’avais raison…
Jean-René Garcia
Jean-René Garcia est vice-doyen de la Faculté de Droit de l’Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité. Professeur des universités associé en Droit public. Directeur de programme au Collège international de Philosophie.