Il y a tout juste un an, le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron prononçait son fameux discours de Ouagadougou annonçant une rupture définitive avec la Françafrique et une nouvelle ère entre la France et l’Afrique.
Tout fera date dans ce discours : le style, les propos et le ton d’Emmanuel Macron, la climatisation en panne et le quasi incident diplomatique qui s’en suivit avec l’hôte des lieux, Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso, les deux heures d’échanges du président français avec les jeunes étudiants présents dans une salle surchauffée.
Macron l’Africain était né et une nouvelle ère devait donc commencer…
Un an après, où en est-on ?
Entretien avec Vanessa Moungar, Franco-Tchadienne, directrice du département genre, femmes et société civile à la Banque africaine de développement.
Cette femme très engagée est plus particulièrement chargée des questions liées aux femmes et à la jeunesse dans le Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA), mis en place en août 2017 auprès du président Macron, et dont son camarade de promotion à l’ENA, le Franco-Béninois Jules-Armand Aniambossou, assure la coordination.
Servir au chef de l’Etat d’aiguillon et de laboratoire d’idées pour l’Afrique, parfois de lanceurs d’alerte, de « têtes chercheuses » comme le suggère Laurence Caramel dans Le Monde ? Vanessa Moungar nous replonge dans l’esprit de Ouaga, une autre façon à bien des égards de faire vivre l’esprit de notre rubrique « Sois belle et ouvre la »…
Vanessa Moungar, avec une année de recul, que vous inspire le discours de Ouagadougou ?
Un an après, les défis qu’a évoqués le Président Emmanuel Macron à Ouagadougou, tels que le développement durable, l’accès à l’éducation pour tous, ne sont évidemment pas résolus. Il s’agit d’un processus de long terme. Mais, au moins une chose a déjà changé : l’état d’esprit de la relation entre la France et les pays d’Afrique est nouveau. Et c’est fondamental. C’est un esprit de partenariat, de relation gagnant – gagnant, et non plus de dépendance ni de donneurs de leçons, qui préside aujourd’hui à cette relation séculaire. D’ailleurs, on ne parle plus tant de l’Afrique mais des pays africains, des diversités qui font la force, la richesse et les promesses de ce continent.
Le Président de la République, que nous rencontrons régulièrement dans le cadre du CPA, a fait montre d’une sincérité qui a ringardisé le paternalisme qui présidait jusqu’alors. Il a compris que l’Afrique se fera par les Africains avec l’appui actif et partenarial de pays comme la France.
Mais concrètement cet esprit de Ouagadougou se traduit-il dans les faits ?
La décision du président de restituer 26 œuvres d’art au Bénin est un premier acte concret dont l’effet, partout en Afrique, est considérable. L’annonce de l’organisation en 2020 de la Saison Afrique 2020, dont la Sénégalaise N’Goné Fall, 51 ans, architecte, sera la commissaire générale en est un autre. Dans l’un de mes domaines de prédilection, la jeunesse, l’engagement de la France de consacrer un milliard d’euros via l’AFD pour soutenir l’entrepreneuriat des jeunes va aider à répondre, en appui aux initiatives africaines elles-mêmes, à ce défi titanesque : 10 à 13 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail alors que l’économie formelle ne crée que près de 3 millions d’emplois. Il faut donc créer urgemment les conditions d’une explosion de l’entrepreneuriat en Afrique. Je sillonne l’Afrique pour aider à faire émerger ces entrepreneurs de demain et c’était le sens de ma présence au côté des lauréats 2018 des African Rethink Awards décernés dans le cadre du Land of African Business à Abidjan en Côte d’Ivoire en octobre dernier.
Et les femmes africaines, profitent-elles de cet état d’esprit nouveau ?
Elles sont le pilier, avec les jeunes, de l’Afrique qui émerge de toutes parts. Donnons aux femmes africaines le plein accès à l’éducation, à la santé et aux opportunités économiques et vous verrez que les Etats africains en recueilleront ce que j’appelle les « dividendes démographiques ».
Une dernière question : que vous inspire le nom de notre rubrique phare : « Sois belle et ouvre la ! »
J’aime le côté provocateur du nom de la rubrique, qui pousse à la réflexion tout en faisant un pied de nez au vieil adage « sois belle et tais toi ». La beauté est un concept subjectif, ou pour traduire le proverbe anglais bien connu, « elle réside dans l’œil de celui qui regarde »… Mon interprétation de ce nom serait donc d’encourager les femmes à assumer pleinement leur féminité, à s’aimer, à se voir d’un œil bienveillant, en somme à se trouver « belles », tout en exprimant et assumant pleinement leurs opinions et leurs pensées.
Propos recueillis par Michel Taube