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09H27 - jeudi 13 décembre 2018

Au-delà de l’ère du temps… La chronique de Jean-René Garcia

 

Sommes-nous en train de changer d’ère ? Si l’article de Francis Fukuyama en 1989, La fin de l’histoire ?, après la chute du communisme soviétique, a longtemps raisonné dans les enceintes universitaires, il semblerait que ses prédictions, il est vrai, teintées d’ironie et de provocation, ne se soient pas réalisées. Non ! Pour le dire autrement Hegel n’est pas mort avec Francis Fukuyama. Il est décédé, il y a bien longtemps, d’une chute à force de marcher sur la tête.

Pourtant, il semblerait bien que les débats actuels sur la qualité de l’air semblent nous faire entrer dans une nouvelle ère. Changer d’ère était déjà le premier livre rédigé par un jeune professeur de Droit dans la fin des années 1980 qui, avec l’aide de grands intellectuels, tentait d’appréhender les changements de société de la fin du XXème siècle. Trente ans après, le jeune professeur de droit, Jean-Michel Blanquer, est devenu Ministre de l’Education Nationale, de la jeunesse et de la vie associative et tente à sa manière d’adapter l’éducation à une nouvelle ère, qu’il appelle l’« Ecole de la Confiance ».

Mais au-delà de l’ère du temps, force est de constater que nous sommes dorénavant face à un changement complet de paradigmes de la société. Les mots « révoltes », « révolutions », « indignation » se répandent dans le langage commun peut-être avec encore plus de vigueur que lorsqu’ils avaient une connotation bien plus politisée qu’il y a cinquante ans. Un récent sondage démontre que 62% des jeunes seraient prêts à se révolter. Encore faudrait-il savoir contre quoi se révolter. Contre la pression fiscale, la transition écologique, la vie chère, les fins de mois réellement difficiles d’une grande partie de la population. Pourquoi pas ?

Mais révolte n’est pas révolution. Par quoi changer ce vieux système politique qui ne semble plus adapté aux vœux des citoyens français. N’oublions pas, comme nous le rappelait Hanna Arendt dans sa comparaison des révolutions Française et Américaine, « une révolution n’a jamais résolu la question de la pauvreté ; toute tentative pour résoudre la question sociale par des voies politiques mène à la terreur ; le pouvoir vient du Peuple mais la citoyenneté dérive de la Constitution ». Peut-être ? Est-ce pour autant qu’il ne faut pas se révolter ou « révolutionner ». Nul ne saurait le dire. « Si vous êtes capables de trembler d’indignation chaque fois qu’il se commet une injustice dans le monde, alors nous sommes camarades », disait Che Guevara. Mais il faudrait définir peut-être mieux ce que l’on entend par injustice dans un monde si complexe que chaque décision prise peut avoir des conséquences si graves pour chacun de nous.

Alors, comme le disait Jean-Michel Blanquer, le professeur de Droit, oui, nous sommes en train de Changer d’ère. Mais nous ne connaissons pas encore les ressorts, les mécanismes et le fonctionnement de cette ère nouvelle. Cela ne sera sûrement pas une ère de repos ! C’est peut-être le danger qui nous attend au coin de la rue de cette nouvelle ère.

Pourtant Nietzche nous avait déjà prévenus dans le Gai savoir : « Tu es perdu si tu crois au danger… ».

 

Jean-René Garcia

Jean-René Garcia est vice-doyen de la Faculté de Droit de l’Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité. Professeur des universités associé en Droit public. Directeur de programme au Collège international de Philosophie.

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