Arnaud Benedetti, auteur de « Le coup de com’ permanent » (Ed. Le Cerf) commente la démission du conseiller communication du président de la République.
Adieu au dircom’…
Le départ annoncé de Sylvain Fort sera immanquablement interprété. Tout simplement parce qu’un dircom’ est un symbole, d’abord un symbole, bien plus qu’un homme de pouvoir. Quand bien même des raisons personnelles présideraient à cette décision, celle-ci s’inscrit dans un contexte qui aura vu s’éteindre les dernières illusions communicantes du charme macronien sous l’effet de souffle des gilets jaunes . Roger-Petit n’aura pas survécu au séisme Benalla, Fort rend les armes en pleine crise sociale et politique.
Décidément, en macronie, la com’ n’est plus ce qu’elle était. Sur le tensiomètre, elle s’emballe, comme si elle était à l’origine des turbulences dont le pouvoir est à ce stade l’objet. C’est un réflexe propre aux organisations en crise que d’opérer à un changement de communicant. La trivialité du procédé n’a d’égal que sa naïveté. Il prend l’effet pour la cause, c’est-à-dire un déficit de réactivité en raison d’une appréciation politique inappropriée… C’est-à-dire un déficit de réactivité en raison d’une appréciation politique inappropriée.
Même si rien ne démontre que la sortie de Fort relève de ce cas de figure, c’est ainsi qu’elle ne manquera pas d’être perçue. Volontaire ou non, l’épisode renforcera les doutes, suscitera les questions, nourrira les supputations. Le timing en l’occurrence fait le larron ; il libère un buzz interrogatif, un bruit de fond de nervosité, renforce la sensation d’un pouvoir en recherche un peu désespérée d’équilibre, charrie les murmures.
Le moment, le moins que l’on puisse dire, est mal choisi. Il conforte le halo de trouble qui s’installe tout autour du pouvoir. À tort ou à raison, un sentiment de flottement s’instille dans une atmosphère d’incertitudes.
Fort avait instauré des rapports explicitement tendus avec les médias. Il les assumait non sans franchise. Selon le prisme macroniste, les gilets jaunes résultent d’abord d’une construction médiatique. Pour autant, d’aucuns verront dans l’exfiltration du communicant de l’Elysée le prélude à une réorientation des relations avec la presse, autre corps intermédiaire qu’il s’agirait dès lors de réapprivoiser. La sortie sacrificielle pour apaiser en quelque sorte les mannes de la médiasphère ? C’est bien peu, ou bien trop mais à coup sûr, c’est passer à côté de l’essentiel ! Tout simplement parce que bannir le grand sorcier n’a jamais calmé la colère des Dieux. Dans tous les cas, motivée par un choix personnel ou par les circonstances, la démission fait événement dans un monde où les horloges en sont réduites à égrener les heures du doute…
Arnaud Benedetti
Professeur associé de communication à la Sorbonne, Arnaud Benedetti est l’auteur de « La fin de la com » et de « Le coup de com’ permanent » (Cerf).