L’histoire des nations humaines est une longue suite de conspirations, d’assassinats et d’agressions contre la personne des dirigeants : Rois, Connétables, Empereurs, Présidents, nul n’a échappé au cycle de l’agression verbale, écrite ou physique, quels que soient les continents et les époques. Les manifestations de violence qui se sont récemment développées contre la personne du Président Emmanuel Macron, d’une intensité jamais vue dans l’histoire républicaine de la France – bûchers, simulacres de décapitation, traques des lieux privés, insultes et menaces diverses – ont conféré à ce concept d’offense au Chef de l’Etat une nouvelle actualité, accrue par la puissance des réseaux sociaux et des médias contemporains. Les tenants d’une certaine idée de la révolution citoyenne feront valoir que le Président de la République est un citoyen comme les autres, susceptible de faire l’objet de toutes les attaques, au moins verbales ou écrites.
Pourtant, trois considérations devraient conduire les Français, tous les Français, à retrouver le sens de la mesure et du respect absolu de la personne aussi bien que de la fonction présidentielle.
Offenser le Président de la République, c’est commettre une infraction pénale
On connait les refrains des thuriféraires de la liberté d’expression : le crime de lèse-majesté a disparu depuis bien longtemps dans les oubliettes de l’histoire, la jurisprudence droit-de-l’hommiste autorise tout et il n’existe plus aucun frein pénal à la violence débridée dès lors qu’elle est présumée justifiée par une certaine idée de la liberté politique. Rien n’est plus inexact. Certes, la loi du 5 août 2013 a fait disparaitre l’ancien délit d’offense au Chef de l’Etat ; mais l’injure et la diffamation restent pénalement punissables, de même que sont réprimés l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et la provocation au crime. La primauté de la règle de droit et la préservation de la dignité des personnes, principes parfaitement conformes aux engagements internationaux de la France, sont les piliers essentiels d’une société libre et responsable ; à ce titre déjà, les manifestations de violence et de haine à l’égard du Président de la République exigent une condamnation sans réserve.
Offenser le Président de la République, c’est blesser la France
Le Chef de l’Etat n’est pas seulement chargé d’assurer le respect de la Constitution, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, la conduite des armées et la continuité de l’Etat, attributions et responsabilités suprêmes qui exigent la plus grande considération. Il est aussi et peut-être d’abord la personnification de la nation française et le premier des Français. Nul ne songerait à prétendre aujourd’hui que sa personne est sacrée au sens où l’entendait la monarchie de droit divin ; pourtant, s’il existe une fonction républicaine qui manifeste une forme de sacralité moderne, c’est bien celle de Président de la République. Certains historiens et hommes politiques ont récemment voulu expliquer que la violence à l’égard du Chef de l’Etat procèderait d’une sorte de résurgence contemporaine et en définitive bénéfique de la souveraineté populaire, telle qu’elle s’est affirmée en 1789. Mais précisément, la sanglante et laborieuse marche des Français vers la stabilité institutionnelle et la modération des expressions politiques exige de combattre vigoureusement cette tendance régicide, aussi primaire que destructrice. L’âme de la France, c’est aussi la civilisation, la concorde et la paix civile. Elu au suffrage universel direct pour cinq années, le Président de la République tient sa légitimité de la volonté populaire. A ce titre aussi, et au-delà de la loi pénale, la personne et la fonction exigent, de la part du peuple souverain, le respect pendant toute la durée du mandat.
Offenser le Président de la République c’est agir contre l’unité nationale
Si être une nation signifie, comme l’écrivait Jean Touchard, vouloir vivre ensemble, si la France veut continuer son chemin hors de la guerre civile, poursuivre sa destinée universelle et assurer son rayonnement mondial par une image crédible, il est urgent de combattre toutes les formes de division, de haine et de violence. Cette exigence commence pour chacun par son prochain, dans la vie quotidienne, quel qu’il soit, mais aussi par celui ou celle qui est le symbole de l’unité nationale, le Président de la République. Les institutions de la Vème République sont ainsi faites : le titulaire de la fonction présidentielle récapitule tout ce que la France est, a été et sera ; il est, selon l’expression de Michel Debré, « la clef de voûte » non seulement des institutions mais aussi d’un peuple aussi brillant qu’impétueux, aussi inventif que destructeur, aussi uni dans l’épreuve que divisé dans les idées. Prenons garde à ne pas altérer la pierre d’angle sous peine de menacer tout l’édifice d’effondrement.
Respectons donc notre Président de la République ; notre pays n’en sera que plus grand et plus beau ; le débat public n’en sera que plus digne et notre vie politique n’en sera que plus civilisée.
François-Henri Briard
Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation