Dans le cadre du projet de loi « sur l’école de la confiance » actuellement en pleine discussion à l’Assemblée Nationale, l’avenir du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) se joue. Son remplacement a fait débat en Commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale et les amendements déposés pour le maintenir en l’état ont été rejetés.
Créé par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’Ecole de la République, le 8 juillet 2013, le Cnesco est une des rares institutions dont le rôle est d’évaluer d’une manière indépendante l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire.
Le Cnesco est composé de scientifiques (au nombre de huit), de parlementaires (quatre) et des membres du Conseil économique, social et environnemental (deux), nommés pour six ans. Son objectif est d’apporter un éclairage aux divers acteurs du monde scolaire et du grand public. Pour cela, il évalue la réussite scolaire de tous les élèves, le fonctionnement institutionnel du système scolaire, la qualité de vie à l’école, ainsi que des thématiques touchant à la jeunesse et à la société. Des conférences, des notes, des forums, des rapports sur des sujets aussi variés comme la maitrise des fondamentaux en mathématiques ou bien la mixité sociale à l’école ont vu le jour depuis sa création.
Sa suppression est aujourd’hui programmée, aucune garantie n’ayant été apportée aux parlementaires quant à la poursuite de ses activités. Il est remplacé par un Conseil d’évaluation de l’école, le CEE. De nombreux observateurs craignent que les garanties d’indépendance dans la composition et dans les modalités d’activités de ce nouveau conseil ne soient préservées. En effet, des représentants du ministère de l’Education Nationale seraient intégrés au sein de ce nouveau conseil. Au sein du Cnesco, aucun membre du ministère ne siégeait. Le nombre de parlementaire serait réduit. Appartiendront-t-ils à la majorité ou bien à l’opposition ? Quant aux chercheurs, majoritaires au sein du Cnesco actuel, ils deviendraient minoritaires dans le CEE.
Vu cette nouvelle composition, il serait donc à craindre que ce nouveau conseil soit aux mains du ministère de l’Education Nationale, lequel serait juge et parti de la politique qu’il mènerait grâce à une majorité de membres assujettis.
Quant aux activités menées, le Cnesco, depuis sa création, choisit librement les thématiques sur lesquelles il souhaite investiguer. Demain, le CEE serait dans l’obligation de soumettre chaque année au ministère son programme d’activités.
La volonté de transparence scientifique sur les politiques publiques menées à l’école se trouverait alors grandement impactée. Comment demander à des personnes composant ce nouveau conseil d’évaluer leur propre politique publique en toute indépendance, en toute transparence et en toute objectivité ? La tentation d’instrumentaliser l’institution à des fins politiques serait donc grande.
Le signal envoyé à la société, aux enseignants, aux chercheurs est curieux et antagoniste. En effet, comment expliquer que le ministère de l’Education Nationale mette en place des évaluations touchant les élèves, les professeurs et les établissements, au nom d’une transparence nécessaire et bénéfique, et que dans le même temps, il veuille se soustraire, lui-même, à toute évaluation indépendante sur sa propre politique éducative ?
Espérons que les amendements déposés par les parlementaires permettront au CEE d’être réellement indépendant et de pouvoir choisir librement les sujets sur lesquels il souhaiterait investiguer !
Typhaine Cabaléry