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07H00 - mardi 26 février 2019

Emmanuel Macron par C215 : la chronique street art de Philippe Rosenpick

 

Christian Gémy, alias C215, est un de nos artistes d’art urbain français les plus connus. Il est né en 1973 et comme bon nombre d’artistes de la deuxième génération, il a suivi des études dont un cursus d’histoire de l’art à la Sorbonne. Il ne se sent pas trop en phase avec la culture hip hop et ses œuvres dégagent plutôt une sorte de filiation avec les grandes peintures anciennes et classiques parmi lesquelles Le Caravage, entre autres, est certainement est une source d’inspiration. 

Sa formation lui permet d’associer à la très grande qualité artistique de ses pochoirs une dimension assez universelle et intemporelle dans laquelle on devine la présence d’une réflexion, d’un recul, d’un certain humanisme qui, plus on regarde l’œuvre, la transcende. 

En superposant les couches de couleur avec une grande finesse, il renouvelle la technique du pochoir, au rendu traditionnellement assez plat. Il apporte ainsi une touche impressionniste donnant à ses œuvres beaucoup de vie et de relief. Ceci est particulièrement frappant au niveau des regards qui sont ainsi particulièrement présents et lumineux.

Que ce soit des animaux ou des visages, peints sur des murs comme le grand chat de 25 m de haut peint en 2013 au métro Nationale à Paris ou sur des objets recyclés comme les boîtes aux lettres ou autres, l’œuvre de C215 frappe par une expression de tendresse qui touche en profondeur en exprimant souvent une certaine ambivalence.

Qui sont les véritables héros ? Ceux que glorifient notre époque ultra-médiatique ou ces anonymes qui en sont les vrais artisans, avec modestie, abnégation et courage ? Qui en fait le plus, pour de vrai ? « Mes œuvres placent des invisibles au rang de célébrités », a dit C215.

Son exposition récente au Musée de la Légion d’honneur où il remet à l’honneur ces soldats, ces harkis, ces personnages de tous horizons, exprime cette tendresse, cette réflexion et ce besoin de se nourrir de l’histoire pour décrypter le réel d’aujourd’hui. Comment ne pas faire le lien avec la contestation actuelle des élites, qui prend racine il y a certainement plus de 30 ans pour aboutir aujourd’hui aux mouvements populaires que l’on connaît. 

En mai 2017, la galerie Openspace a montré un grand nombre d’œuvres regroupées sous un titre « La mauvaise réputation ». On y voit le portrait de Ben Laden sur une boîte noire d’avion, le portrait de Bernard Tapie sur une valise dont dépassent des billets de banque, le portrait de François Fillon sur la revue des deux mondes, celui de Christine Boutin sur un livre religieux, etc.

Qui sont ces hommes que beaucoup d’autres adulent ? Les objets sur lesquels est dessiné leur visage symbolisent leur ambivalence. Expriment-ils le mauvais côté de leurs pulsions ? Leurs penchants profonds ? La cause de leur échec programmé ? 

L’œuvre qui montre notre président Emmanuel Macron sur un livre de Nadine de Rothschild, réalisée avant son élection à la présidence de la République, est un condensé criant de tous les reproches actuels qui s’expriment aujourd’hui vis-à-vis de celui-ci.

Nous sommes face à un côté expressif à la « Shere khan comme dans le livre de la jungle » dans ce qu’exprime cette peinture… « Aie confiance, je te promets le meilleur des mondes »…

Une peinture qui souligne pourtant un certain côté illusionniste appuyé par un certain hypnotisme du regard, perdu dans les étoiles comme s’il y a avait une connexion avec le divin. Un grain de folie, un certain côté autiste et forcément une impossibilité future de se remettre en question puisque la filiation vient du ciel, de la certitude d’être habité.

Le support qui illustre la finance omniprésente rappelle l’origine qui fait l’homme et son destin… et peut-être sa chute. Il vous promet un monde meilleur mais en réalité, ne vous trompez pas, c’est l’expression d’une duplicité : il est l’homme de la finance et les beaux discours ne sont là que pour mieux vous croquer, semble dire cette œuvre qui illustre à merveille le ressenti actuel qui s’exprime aujourd’hui dans la rue. 

Comme si tout était déjà inscrit dans le marbre dès le départ. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de penser, en contrepoint, comme le faisait Georges Brassens :

« Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation, que je me démène ou que je reste quoi, je passe pour un je ne sais quoi.

« Les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ».

On idolâtre, on dézingue, on souhaite des hommes providentiels mais pas trop longtemps… Une inconstance bien française, dirait Alain Duhamel. Mais ceci est une autre histoire…

 

Desfilis, copyright : Marion Gambin

Philippe Rosenpick 

Avocat associé chez Desfilis, organisateur du prix du Graffiti 2016/17, promoteur de la fresque dessinée par Crey 132 en l’honneur du Bleuet France sur la place des Invalides, membre de la commission d’appel de la Fédération Française de Rugby, Chevalier de la Légion d’honneur.

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi une rubrique Street art ? 

 

Parce que c’est l’art de notre époque, comme l’a dit Mr Braun autrefois au sujet de l’art contemporain. Une pratique artistique, à l’origine clandestine et réprimandée, qui s’affiche aujourd’hui dans nos cités pour leur redonner des couleurs, embellir les rues et les immeubles tout en véhiculant du sens.

Il n’y a pas un « street art » mais de multiples modes d’expression et techniques graphiques qui permettent à tout le monde de trouver un point d’entrée. Ce mouvement va vers les gens et souvent les interrogent sur l’évolution de nos sociétés, de manière malicieuse et ironique, parfois plus grave et contestataire, et ne laisse jamais indifférent. Les jeunes générations sont nomades, ont de plus en plus de talent et s’affranchissent des carcans, loin de la marchandisation de l’art contemporain qui ne semble plus vanter que des démarches intellectuelles accessibles à une infime minorité. C’est un art qui se nourrit de l’histoire de l’art mais aussi de géographie, de sociologie, d’anthropologie, du temps présent. 

Crey 132 a réalisé une magnifique fresque pour honorer le bleuet de France et le centenaire de la première guerre mondiale sur la place devant les Invalides : un drapeau français qui se resserre autour des valeurs de solidarité et de fraternité. Peu de temps après le mouvement des gilets jaunes éclate. Prémonitoire ? Un message non entendu par nos élites ? Pour autant, les gilets jaunes se réuniront le 19 janvier 2019 autour de cette même place pour démarrer leur déambulation du samedi dans la capitale. Certains ont des pancartes dans le dos : la Marianne de Shepard Fairey, un artiste américain engagé, dont le tableau trône dans le bureau du Président de la République. Mais détourné car elle a un œil au beurre noir ! Une œuvre qui, sauf erreur, a été créée après le Bataclan pour vanter les valeurs universelles de la France… Une France que certains trouvent malmenée dans ses valeurs ? Au centre des symboliques qui s’expriment et qui interrogent, deux réalisations de deux street artistes…. En plein dans le mille… En plein dans notre époque… Le street art est un art qui touche le peuple. 

Il est vrai qu’il aurait été difficile de manifester avec une pancarte de Buren ou de Carl André dans le dos…

 

Philippe Rosenpick

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