L’Union du Maghreb Arabe (UMA), organisation interétatique instituée en février1989, vient de souffler ses 30 bougies… dans un grand silence. Un silence assourdissant qui tranche avec l’ambiance qui avait marqué son démarrage en grande pompe. Un silence qui en dit long sur les soubassements de cet ambitieux projet qui avait démarré, malgré lui, avec de nombreux handicaps, expliquant, en partie, cet enlisement duquel il peine à s’arracher.
Il est indéniable que « le Grand Maghreb » réunit le plus grand nombre de points en commun qu’il est possible de rencontrer dans un espace donné : historiques, culturels, cultuels, linguistiques, géographiques, géologiques et identitaires. En bref, une communauté de vie qui devraient naturellement déboucher sur une communauté de destin avec une conscience partagée aux niveaux économique, politique, géopolitique et géostratégique. Cependant, force est de constater que la somme de ces formidables atouts n’a pas suffi, à elle seule, à provoquer un changement positif durable, et ce que ce soit sur le plan quantitatif ou qualitatif. Des facteurs endogènes et exogènes ont rendu impossible la réalisation du programme et l’atteinte des objectifs que prévoyait la Charte fondatrice de l’UMA.
En dehors du fait que l’UMA est restée prisonnière des différends qui ont caractérisé les relations entre ses pays fondateurs, d’autres aléas sont venus interrompre tout espoir d’union. On se contentera de citer les plus significatifs : la décennie noire algérienne et le printemps arabe.
D’autres facteurs expliquent également, en partie, pourquoi au regard des objectifs que s’était fixée l’UMA, la coopération tant attendue fut décevante. Ainis, les échanges commerciaux intra-régionaux peinent à dépasser les 3%, faisant de cet espace l’un des moins intégrés d’Afrique.
Or, malgré ces infortunes nombreuses qui la caractérise, l’UMA demeure encore active, du moins au plan institutionnellement. Et c’est tant mieux. Car, si de nombreux écueils ont entravé sa bonne marche, l’UMA abrite un potentiel loin d’être négligeable. Implantée aux portes de l’Europe et de l’Afrique et riche de nombreuses ressources, notamment humaines et énergétiques, elle a de nombreux atouts.
Cependant, unir les forces des pays du Maghreb pour constituer un ensemble économique et social cohérent et opérant, ne saurait rester un slogan. Il s’agit désormais de construire une entité régionale, avant d’en faire, progressivement, un enjeu géostratégique vital pour les États comme pour les peuples. Il est temps que cet ensemble régional s’engage sur la voie des coopérations et de complémentarités et cesse de jouer l’Arlésienne dont tout le monde parle mais que personne n’a vue. Certes, la tâche est immense pour ne pas dire insurmontable, mais l’espoir reste entier et vivace. C’est dans cette veine, qu’il convient à l’UMA de s’engager ou plutôt de se réengager, car si à l’impossible nul n’est tenu, il est du devoir de la nouvelle génération d’essayer.
Au nom de ce futur, au nom des générations futures, il est encore possible à l’UMA de mutualiser les moyens et d’agir avec des systèmes de complémentarités et de péréquation. Ce serait comme une sorte de décentralisation ou de régionalisation transfrontalière qui laisserait de côté ce qui relève du régalien : armée, police, justice, régime politique… et se concentrerait sur ce qui fait le quotidien et le futur des peuples. Tout cela par consensus et pas à pas… Un chantier après l’autre. Et ça n’est pas ces derniers qui manquent.
Les sociétés civiles des pays concernés et les diasporas aspirent à une unité qui permette de mutualiser les ressources et les moyens pour améliorer leur vie quotidienne. Ces citoyens regardent ce qui se passe dans d’autres régions du monde où l’union fait la force et se disent que c’est possible pour le Maghreb également d’unir ses forces.
Quelques domaines se prêtent tout particulièrement à la coopération et à la mutualisation des ressources, des moyens et de la gouvernance comme, par exemple, l’agriculture et la gestion de l’eau, l’environnement, les énergies renouvelables, la recherche scientifique fondamentale et appliquée, les transports, la santé, la culture, le sport…
Sur tous ces chantiers et sur bien d’autres un Manifeste est en cours de rédaction. Il sera ouvert aux sociétés civiles, aux diasporas et à toutes les personnes de bonne volonté qui savent qu’un Maghreb Uni, stable et prospère, est dans l’intérêt de tous.
Karim Ifrak est islamologue et Directeur de l’Institut Français des Études Stratégiques.
Khalid Hamdani est Directeur de l’Institut Ethique et Diversité, membre de la section Affaires Européennes et Internationales du Conseil, Economique, Social et Environnemental