A l’invitation du Président Emmanuel Macron, la France reçoit Monsieur Xi Jinping, président de la République populaire de Chine. Depuis son arrivée à la tête du pays en 2012, ce dernier n’a eu de cesse de raffermir sa mainmise sur le pouvoir et de restreindre les libertés fondamentales de ses citoyens.
Cette visite officielle intervient à l’occasion du 55ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine et de la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine. L’Elysée a souligné l’importance de consolider le partenariat stratégique global liant les deux pays. Un tel partenariat doit s’accompagner d’une amélioration de la situation des droits humains. Or c’est loin d’être le cas.
Au nom de l’amitié entre ces deux grands pays, au nom du respect de cette grande civilisation qu’est la Chine, il est essentiel que, lors des rencontres de Monsieur Xi Jinping avec les représentants des autorités françaises, la question des droits humains soit abordée en toute franchise.
Nous appelons les autorités françaises à peser de tout leur poids pour que la Chine :
- procède à la libération immédiate et inconditionnelle des défenseurs des droits humains et prisonniers de conscience, déjà condamnés ou en attente de jugement, en accordant une urgence particulière aux prisonniers nécessitant des soins médicaux immédiats ;
- assure aux prisonniers des conditions de détention répondant à l’ « Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement » adopté par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988 ;
- respecte pleinement la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle la Chine est liée depuis 1988 ;
- entame des démarches en vue de l’abolition de la peine de mort. La Chine reste en effet le pays qui exécute le plus de détenus au monde.
- cesse de persécuter les ressortissants d’ethnies minoritaires telles que les Tibétains, les Ouighours, et les Mongols.
La Chine est aujourd’hui l’une des plus grandes prisons du monde. Telle est la triste réalité. Derrière les barreaux, si la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent toucher toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale, les risques sont encore plus élevés lorsque les détenus appartiennent à une catégorie de personnes dites « sensibles » telles que les défenseurs des droits humains, les avocats, les journalistes, les voix critiques du régime, les communautés religieuses ainsi que les minorités ethniques, en particulier les Tibétains et les Ouïghours, mais aussi des chefs d’entreprise et des leaders d’opinion qui réussissent et rayonnent de façon trop libres en Chine et dans le monde (on se souvient des nombreuses disparitions subites de patrons chinois) sont souvent les premières victimes des dérives autoritaires du gouvernement de Xi Jinping.
En 2018, le nombre de camps de rééducation spécialement conçus pour la population Ouighoure du Xinjiang a dramatiquement augmenté. Les observateurs étrangers estiment qu’il y aurait plus d’un million de Ouighours (pour une population de quelque 12 millions de personnes) retenus dans ces camps présentés par les autorités chinoises comme des instituts de formation.
Si la plupart des avocats touchés par la vague de répression dite 709 lancée le 9 juillet 2015 ont terminé de purger leur peine et se trouvent sous surveillance, tous font état d’actes de torture physique et psychologique perpétrés en détention. Nombre d’entre eux ont été forcés de faire des aveux publics lors de confessions télévisées entièrement mises en scène, et souffrent aujourd’hui de graves séquelles. L’état de santé des défenseurs des droits humains se trouvant encore derrière les barreaux est extrêmement inquiétant. Le déni de soins médicaux est utilisé pour affaiblir les prisonniers, et laisse craindre que certains connaissent le même sort que Liu Xiaobo, Prix Nobel de la Paix 2010, mort en détention en 2017.
Le journaliste Huang Qi, atteint d’une maladie rénale incurable, se voit refuser des soins adaptés, et risque à tout moment de mourir au fond de sa cellule, tant que les autorités pénitentiaires chinoises resteront sourdes aux demandes de libération conditionnelle. A l’heure actuelle, une dizaine de défenseurs des droits humains sont dans une situation extrêmement précaire.
Par ailleurs, l’année 2019 sera l’occasion de nombreux anniversaires importants, comme ceux du 4 mai 1919, du 1eroctobre 1949, et le 4 juin prochain marquera le 30èmeanniversaire des tristes événements de la place Tian’anmen. Depuis plusieurs mois déjà, l’appareil de censure chinois resserre ses rangs pour empêcher toute mention et commémoration de cette date sur le Net, et des arrestations d’activistes sont à craindre en amont du 4 juin 2019.
Le Président Macron a pris l’initiative de proposer à son homologue Xi Jinping une rencontre « européenne » en priant la Chancelière Angela Merkel et le Président de la Commission européenne Jean-Claude Junker à participer à un déjeuner commun à l’Elysée demain mardi. Alors que l’Union européenne a refusé le statut d’économie de marché à la Chine l’an dernier, il est bon que les discussions se situent au niveau de l’Europe, et non plus exclusivement dans des dialogues bilatéraux qui profitent exclusivement à la Chine et entretiennent une rivalité malsaine au sein des membres de l’UE. On l’a encore vu samedi avec les engagements pris par l’Italie vis-à-vis des « nouvelles routes de la soie » hors de toute concertation avec ses alliés européens.
Méthodes d’endoctrinement dans l’éducation de la jeunesse, censure de ses publications, la Chine est en train, sous la direction de Xi Jinping, d’effectuer un grand bond en arrière qui inquiète les citoyens chinois eux-mêmes et devrait alerter l’ensemble des démocraties de ce monde.
Marie Holzman
Présidente de Solidarité Chine, sinologue.
Une manifestation est organisée au Trocadéro, à Paris, ce lundi 25 mars 2019 de 18h à 19h à l’appel de nombreuses organisations telles que Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Amnesty International, Solidarité Chine.
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VERBATIM : tribune de Xi Jinping, président chinois, dans Le Figaro à l’occasion de sa visite d’Etat en France.