En 2017, lassé par l’échec des Accords de Skirhat, le maréchal Khalifa Haftar avait envisagé de marcher sur Tripoli. Il avait fallu toutes les qualités de persuasion de notre ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves LE DRIAN, dépêché en urgence par le Président Macron, pour convaincre l’homme fort de la Cyrénaïque de choisir la voie des urnes plutôt que celle des armes.
Depuis cette date, des médiations, des réunions se sont succédées pour tenter d’aboutir à un accord entre les différentes parties, sans succès. Un nouvel émissaire de l’ONU a même été désigné pour palier l’échec de ses deux prédécesseurs : Ghassam Salamé a lancé l’idée d’élections générales, notamment présidentielle, qui auraient dues se tenir avant la fin de l’année 2018.
Elles n’ont bien sûr pas eu lieu, aucune condition n’étant réunie.
Le dernier accord obtenu il y a dix jours pour une conférence nationale à Ghadamès aurait probablement, en l’état, aboutie au même résultat : depuis 5 ans, à chaque fois que Haftar et Sarraj ont conclu un accord, le premier ministre de l’ONU, rentré à Tripoli a dû l’annuler sous la pression des milices islamistes qui assurent sa sécurité, bénéficient de sa manne pétrolière et dont il est en réalité l’otage.
HAFTAR a compris que cette pantalonnade qui dure depuis 2014, avec la complicité de l’ONU, véritable « pompier-pyromane » en Libye, lorsqu’elle a mis en place l’illustre inconnu Fayez El-Sarraj à la tête du gouvernement national contre l’avis du Parlement de Tobrouk, seule institution élue du pays, allait probablement durer encore longtemps au détriment du futur de la Libye.
Avant de lancer 20 000 hommes de l’ALN sur Tripoli, Haftar avait besoin de sécuriser les frontières sud et ouest du pays ce qui fut fait en deux mois.
Pourquoi prendre Tripoli ?
Parce que pour Haftar, la solution militaire est, hélas, désormais la seule façon de mettre fin au chaos libyen. Libérer Tripoli du joug des milices islamistes est le moyen d’en finir avec les éléments de Daech et Al Qaida qui y sont réfugiés depuis la chute de Derna. En finir aussi avec tous les trafics—migrants, esclaves, armes, drogue, essence et prostitution—qu’organisent les milices et qui en tirent des revenus colossaux.
Le maréchal a acquis la conviction qu’entre lui, tenant de l’ordre et de l’unité du pays et « les rentiers du chaos » de la tripolitaine, l’accord était impossible. Pour lui, la prise de la capitale est la condition indispensable à l’unification, à la sécurisation et à la pacification du pays pour permettre la construction d’un État démocratique et souverain.
Face aux pressions de l’ONU, de l’Union européenne, de l’OTAN et autres, Haftar n’a désormais qu’un impératif : aller vite tout en limitant, à Tripoli, les destructions et les pertes dans la population civile.
N’est-il pas ubuesque de voir nombre de démocraties et institutions occidentales mettre sur le même plan le vainqueur de Benghazi, première digue pour l’Europe contre le terrorisme islamique et le « premier ministre de l’ONU » incapable pendant des années d’empêcher la zone sous son contrôle de devenir un empire mafieux !
Michel Scarbonchi
Ancien député européen