Je signe l’Appel adressé à :

[par ordre alphabétique]

Monsieur Jean-Claude Kassi Brou, Président de la Commission de la CEDEAO,

Monsieur Muhammadu Buhari, Président de la Conférence des chefs d’État de la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest),

Monsieur António Guterres, Secrétaire général des Nations unies,

Monsieur Xi Jinping, Président de la République populaire de Chine,

Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française,

Madame Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/vice-présidente de la Commission européenne

Madame Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie,

Monsieur Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie,

Monsieur Abdel Fattah al-Sissi, Président de l’Union africaine,

Monsieur Donald Trump, Président des États-Unis d’Amérique,

Monsieur Donald Tusk, Président du Conseil de l’Union européenne

Mesdames, Messieurs,

Le Bénin était cité en exemple comme un État de droit en Afrique. « Etait » parce que dimanche 28 avril 2019 il sera trop tard. En effet, ce dimanche, se tiendront les élections législatives au Bénin dont tous les partis d’opposition ont été écartés.

Fait unique dans l’histoire de la démocratie africaine, seuls les deux partis de la majorité présidentielle, créés pour l’occasion en décembre 2018 (!) par l’actuel Président de la République, Patrice Talon, ont été autorisés à présenter des candidats par le ministre de l’Intérieur et la CENA (Commission Électorale Nationale « Autonome »).

Ainsi, l’actuel chef de l’Etat a inventé une méthode innovante pour imposer un régime autoritaire dans un pays pourtant doté d’une tradition démocratique ancienne : interdire les partis traditionnels par le jeu d’un nouveau code électoral.

Même si l’on peut s’attendre à ce que l’immense majorité des Béninois refuseront de participer à ce simulacre de scrutin, malheureusement, le dimanche 28 avril 2019 au soir, si les élections se déroulent en l’état, 100% des députés élus seront acquis au Président Patrice Talon.

Le chef de l’État, qui a annoncé à de nombreuses reprises son intention de soumettre le Bénin à son bon vouloir, aura donc les pleins pouvoirs. Monsieur Patrice Talon serait-il en train de devenir, sans jeu de mot, le talon d’Achille de la démocratie béninoise ?

Les décisions abondent en ce sens depuis son élection en 2016 : nominations de proches à la Cour constitutionnelle et au Conseil supérieur de la magistrature, création de tribunaux d’exception avec la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET)… Le 29 mars 2019, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a par exemple condamné très lourdement l’Etat du Bénin et son Président Patrice Talon dans la décision Ajavon – Bénin.

L’heure est grave : le pouvoir a positionné des chars dans les rues de Cotonou et de nombreuses villes du pays. Des arrestations arbitraires frappent des dirigeants des partis d’opposition, des journalistes et des femmes leaders de la société civile.

Malgré l’émoi et la peur, les appels au report des élections se multiplient dans le pays. Des meetings des deux partis présidentiels ont déjà été perturbés. La tension monte chaque jour un peu plus et fait craindre un embrasement du pays d’ici la fin de semaine ou dans les jours qui suivront l’élection.

A quelques jours de cette échéance cruciale, vitale pour la démocratie au Bénin, il est encore temps d’éviter le pire.

Deux anciens chefs d’État du Bénin, signataires de cette Lettre ouverte, le clergé catholique, les plus éminents juristes du pays, de nombreuses femmes béninoises, se sont exprimés ces derniers jours, parmi d’autres, pour en appeler à la raison démocratique du président. Mais rien n’y a fait pour le moment.

Mesdames, Messieurs, sur la base de ces faits, nous vous prions d’intervenir auprès de Patrice Talon, président de la République, pour tenter de le convaincre, dans le respect de sa fonction et de l’indépendance du Bénin, d’écouter son peuple et de reporter les élections législatives du dimanche 28 avril 2019, de légaliser à nouveau les partis d’opposition et de permettre enfin la tenue au plus vite d’élections inclusives, comme l’exigent tous les Béninois de bonne volonté.

Madame, Messieurs, à travers les institutions que vous représentez, et par notre présente signature, nous interpellons l’opinion internationale et appelons chacun à signer à son tour cette Lettre ouverte au Président de la République du Bénin : « Monsieur Patrice Talon, pour la démocratie et la concorde civile, pour les valeurs qu’incarne le Bénin en Afrique, nous vous prions de reporter les législatives du 28 avril 2019 et de convoquer enfin au plus vite des élections qui incluront toutes les forces politiques. »