Slaheddine Ben Ahmed est président du syndicat d’initiative de Sousse, en Tunisie, hôtelier et promoteur immobilier. Il est à l’initiative de l’événement « À la découverte de Sousse et du Sahel, patrimoine, culture et traditions » qui se tiendra du 28 avril au 5 mai et dont Opinion Internationale est partenaire presse. Entretien.
Slaheddine Ben Ahmed, en quoi Sousse aura-t-elle un goût de capitale de la Tunisie la semaine prochaine ?
La semaine prochaine se tiendra à Sousse deux événements symboliques : le premier le 30 avril en l’honneur des descendants d’une quinzaine de Soussiens illustres ayant donné leur nom à des rues d’un nouveau quartier résidentiel. Quatre d’entre eux sont de confession juive et marquent l’attachement de la Tunisie à sa diversité culturelle.
Le second événement aura lieu le 2 mai, avec l’inauguration de la place Virgile. En effet une mosaïque avait été découverte en 1896 à la suite de fouilles dans une villa romaine. Elle fut apportée à Tunis, puis, après l’indépendance, exposée au musée du Bardo dont elle est maintenant, en quelques sortes, la Mona Lisa.
La mosaïque de Virgile est riche en symboles : Virgile fut le premier poète latin, mais aussi le père de la citoyenneté, dans le sens romain du terme. Les citoyens se réunissaient afin de gérer la cité, dans le respect de la religion et des croyances de chacun. En somme, chacun donne à César ce qui appartient à César, et conserve sa liberté pour le reste. Virgile considérait d’ailleurs que l’incendie de Carthage par Rome fut une erreur, et même une faute inexcusable. La Tunisie d’aujourd’hui doit beaucoup à l’héritage citoyen de Virgile.
Quel est le sens profond de cette semaine à Sousse ?
Le sens de cette semaine est la célébration du vivre ensemble, du respect des différences, et l’honneur fait aux citoyens méritants de cette ville. Récemment, le président de la communauté juive de Tunis a salué notre travail, sans lequel l’avenir des Juifs dans ce pays serait compromis. J’avais été très choqué par l’attentat islamiste de Sousse, en juin 2015, revendiqué par l’Etat islamique, qui visait des non musulmans. Ce terroriste, comme beaucoup d’autres, ignorait que la Tunisie était chrétienne à l’époque des Romains. Le même type d’attentat a frappé récemment la communauté musulmane en Nouvelle-Zélande et les chrétiens au Sri Lanka. Je suis choqué que l’on puisse ainsi programmer des individus pour qu’ils donnent la mort. C’est le contraire du vivre ensemble que nous voulons célébrer.
Que pense le professionnel du tourisme que vous êtes de cette impression que dégage souvent la Tunisie de privilégier le tourisme de masse, plutôt low cost ? La mise en avant du patrimoine et des événements comme celui autour de la mosaïque de Virgile sont-ils annonciateurs d’une évolution qualitative ?
Effectivement, la Tunisie se tourne vers un tourisme plus culturel, plus patrimonial. L’événement autour de Virgile contribuera à modifier l’image que l’on peut avoir de la Tunisie, qui n’est pas uniquement un pays de plages et de farniente.
Cette évolution est intimement liée aux effets de notre révolution de 2011 : les Tunisiens se tournent vers leur histoire et découvrent le goût de faire vivre un patrimoine exceptionnel et une culture qui avaient été trop longtemps délaissés. Les Tunisiens sont fiers de leur histoire et proposent au monde de la découvrir. Par exemple, j’ai fait remettre à sa place au centre de Sousse la statue équestre de Bourguiba, père de notre indépendance et de notre modernité, après vingt neuf ans d’absence. Cela participe aussi du rayonnement de la ville.
C’est aussi une Semaine de découverte que vous proposez à celles et ceux qui voudraient (re)découvrir la Tunisie ?
En effet, une visite différente sera organisée chaque jour. Le premier jour, il sera ainsi possible de découvrir Takrouna, un village de montagne, où nous inviterons un conteur qui racontera son histoire. Nous dégusterons également des mets traditionnels. Ce sera une semaine de découverte donnant une nouvelle dimension au tourisme tunisien. Vos lecteurs sont invités à y participer.
Avez-vous un message à délivrer aux Français pour les inciter à visiter Sousse ?
Mon message est qu’ils seraient enchantés de découvrir la richesse culturelle de la Tunisie et celle de son histoire. La Tunisie est aussi un pays ouvert qui accepte toutes les différences.
Propos recueillis par Michel Taube