Assurément « La Nostalgie de l’honneur » de Jean René Van Der Plaetsen est un livre qui m’a marqué. « L’honneur n’est pas à la mode », écrit-il et c’est pourtant « l’instinct de l’honneur qui fait les héros ». Hier aux Invalides, l’air, chaque pierre, chaque plan de télévision suintait l’honneur. Du discours présidentiel, l’honneur, avec densité, résonnait dans la cour des invalides : la France rendait hommage à ses deux soldats ayant voué leur vie à l’honneur. Dans un monde qui valorise si peu les hommes d’honneur, où l’ego et la réussite financière semblent être les seules choses qui comptent et dictent les comportements, il nous est rappelé combien il est fondamental pour une société d’avoir encore des hommes d’honneur dont l’engagement et le respect de la parole donnée comptent plus que tout. Il y en a, il y en aura toujours, plus moins visibles selon les moments. A la suite d’Arnaud Beltrame, des hommes nous rappellent qu’ils sont prêts au sacrifice ultime pour servir les autres, tenir leur engagement, exécuter leur mission, faire que la société tienne debout, sans quoi celle-ci est sous le joug des acrobates de la parole qui préfacent des temps obscurs.
Hier, les mots qui résonnaient étaient simples : bravoure, engagement, mission, idéal peut-être aussi. Dans ces temps d’individualisme forcené où chacun a de moins en moins à voir avec l’autre, se sent de moins en moins relié à l’autre par un destin commun et prêt à lui marcher dessus pour faire un selfie de sa propre réussite, l’honneur et l’abnégation se sont rappelés à nous comme des valeurs fondamentales. Pensons y : monter à l’assaut sans tirer pour protéger des otages à libérer, personnes que l’on n’a jamais vues, que l’on ne connaît pas, mourir s’il le faut… Pour çà.. Rien que ça.. Le Président Macron l’a dit : « une nation n’est libre que par la solidarité et la fraternité » et en mourant pour exécuter cette mission, ces soldats ont honoré la France, « l’ont élevée », nous ont tous élevés en nous susurrant presque à l’oreille : « ne laissez pas le monde virer dans le chaos du chacun pour soi, faites bloc, ensemble, pour réaffirmer que la liberté est un bien commun inaliénable ».
J’ai vu un Président digne, grave, ému, conscient de l’ordre qu’il a donné, conscient que cet ordre était donné pour préserver ce bien commun. Seul avec lui-même, seul pour affronter le regard des familles, seul pour trouver les mots, attendu par ceux qui cherchent à détecter un faux pas, créer une polémique, utiliser tout instant pour créer un schisme. Il se rend auprès des otages libérés ? Criticable. Il ne s’y rend pas ? Criticable… Fallait-il donner l’ordre d’aller chercher ces Francais qui se sont aventurés dans un coin si dangereux ? Criticable… Ne pas le faire ? Criticable… par ceux-là même d’ailleurs qui s’époumoneraient en disant « mais que fait la France » si leur frère ou leur mère était de ces inconscients que seul l’honneur des autres peut sauver.
Hier le Président était Président, notre Président à tous, le politique respecté, les soldats étaient soldats. Chacun dans son rôle, chacun assumant son rôle, même si le prix à payer en est très élevé, chacun ayant en mains un bout du gouvernail de la démocratie et de la liberté. Si comme le disait le Général Leclerc, « les jours les plus sombres sont des veilles de victoire », espérons que le sacrifice de ces soldats et l’hommage qui leur a été rendu, comme un sursaut, nous fasse retrouver le chemin collectif où la polémique partisane se dissout dans l’honneur et l’abnégation pour la construction d’un avenir commun. L’époque actuelle est certainement un peu anxiogène mais tant qu’il y aura des hommes de parole et de bonne volonté, rien n’est perdu.
Philippe Rosenpick
Avocat associé chez Desfilis, organisateur du prix du Graffiti 2016/17, promoteur de la fresque dessinée par Crey 132 en l’honneur du Bleuet France sur la place des Invalides, membre de la commission d’appel de la Fédération Française de Rugby, Chevalier de la Légion d’honneur
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