L’OCDE a appelé mardi les Etats à éviter « d’urgence » une guerre commerciale, sur fond de passes d’armes entre Chine et Etats-Unis, et à unir leurs efforts pour redynamiser l’économie mondiale, qui devrait ralentir cette année.
« Il y a urgence à nous retrouver autour d’une table multilatérale afin de créer des conditions qui permettent au commerce de soutenir la croissance mondiale », a prévenu avec gravité le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria, lors de la présentation des perspectives économiques de son institution.
« Pour nous le pire scénario possible, c’est que l’on continue à avoir des tensions commerciales qui poussent comme des champignons et qui créent une incertitude permanente et partout », a expliqué Laurence Boone, la cheffe économiste de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), avant sa réunion annuelle mercredi et jeudi à Paris.
Lors d’une conférence de presse, elle a redouté « un climat incertain et très délétère pour les investissements, pour la confiance (qui) commence à créer des tensions sur les prix, ce qui forcément va commencer à éroder le pouvoir d’achat dans un contexte où les salaires n’augmentent pas très rapidement ».
Face aux risques d’une guerre commerciale, l’institution a appelé les gouvernements à « agir d’urgence pour redynamiser une croissance dont tout le monde bénéficierait ».
Selon elle, il convient de « régler les conflits (…) via une plus grande coopération internationale, tout en améliorant le cadre juridique international », dans une allusion implicite à une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), actuellement paralysée ou presque.
A l’image du FMI, qui a appelé en avril l’Allemagne à relancer la croissance en Europe, l’OCDE a aussi invité les pays disposant de marge de manoeuvre budgétaire à « investir dans les infrastructures », mais sans citer explicitement Berlin.
Ralentissement chinois
Outre la guerre commerciale, l’institution basée à Paris s’inquiète d’un éventuel « ralentissement marqué en Chine qui pourrait avoir des répercussions partout dans le monde », ainsi que l’augmentation de la dette privée.
Face à ces risques, l’OCDE a abaissé une nouvelle fois sa prévision pour la croissance mondiale à 3,2%, contre 3,3% en mars, soit 0,3 point de moins qu’à la fin de l’année dernière. En revanche, elle a maintenu le léger rebond attendu pour l’an prochain à 3,4%.
Ces prévisions ne prennent pas directement en compte les récentes passes d’armes entre la Chine et les Etats-Unis autour des droits de douane et du géant technologique Huawei.
« Il demeure une forte incertitude sur la durée pendant laquelle (les taxes douanières) resteront en place et sur l’évolution à venir de la relation commerciale entre les deux pays », a expliqué une source de l’institution à l’AFP.
En revanche, « l’augmentation de l’incertitude liée aux tensions commerciales dans les mois passés, y compris autour de l’éventualité de ce relèvement de droits de douane jusqu’à leur annonce, est incorporée dans les projections,’ a-t-elle souligné.
Malgré ce contexte, l’organisation a relevé ses prévisions pour les Etats-Unis à 2,8% cette année, soit 0,2 point qu’en mars, mais elle s’attend à un léger recul de la première économie mondiale à 2,3% l’an prochain.
Pour la Chine, pas de changement. L’OCDE table toujours sur un ralentissement à 6,2% cette année et 6% l’an prochain.
En Europe, l’institution a maintenu sans changement sa prévision pour la zone euro à 1,2%, tout en maintenant l’Allemagne à 0,7% cette année et à 1,1% pour l’an prochain.
Pour la France, elle n’a pas changé non plus sa prévision à 1,3% pour cette année et la prochaine, soit légèrement moins que la prévision du gouvernement (1,4%).
Elle revoit toutefois à la hausse la tendance pour l’Italie, dont la croissance devrait être nulle cette année et non de -0,2. En 2020, ce pays devrait rebondir à 0,6% (+0,1 point).
Pour le Royaume-Uni, dont l’économie fait face aux incertitudes du Brexit, l’OCDE a relevé ses prévisions de 0,8% à 1,2% cette année.
Dans les pays émergents, l’OCDE table cette année sur une croissance de 1,4% au Brésil (-0,5 point), 7,2% pour l’Inde (sans changement) et 1,2% pour l’Afrique du sud (-0,5 point).
Par Antonio RODRIGUEZ – Paris (AFP) – © 2019 AFP