La décision de Washington de placer Huawei sur liste noire provoque un effet domino : le géant japonais de l’électronique Panasonic a rejoint jeudi la liste des groupes qui ont annoncé couper tout ou partie de leurs liens avec le fabricant chinois de smartphones.
La nouvelle est tombée au lendemain de l’annonce de quatre grands opérateurs nippons et britanniques de suspendre la commercialisation de nouveaux modèles Huawei, ces appareils pouvant perdre une grande partie de leur intérêt sans l’apport de technologies américaines.
Panasonic va quant à lui cesser de fournir des composants, sans préciser lesquels, à Huawei et ses 68 sociétés affiliées soumises à l’interdiction du gouvernement américain.
Il s’agit des produits fabriqués complètement ou partiellement aux Etats-Unis, mais le volume est faible et l’impact sur l’activité de la compagnie sera limité, a précisé à l’AFP une source proche du groupe.
Panasonic s’est refusé à donner de détails sur les autres transactions avec Huawei qui ne sont, elles, pas affectées par la mesure américaine.
Commandes stoppées
Le président Donald Trump a décidé la semaine dernière de bannir les exportations de produits technologiques américains vers certaines entreprises jugées « à risque », franchissant une nouvelle étape dans l’offensive tous azimuts engagée contre la Chine.
Dans son viseur, Huawei: Washington estime que le géant des télécoms, présent dans 170 pays, menace sa sécurité nationale en raison de ses liens étroits avec le gouvernement chinois, des accusations d’espionnage que le groupe rejette.
Un délai de 90 jours a été accordé par Washington, mais plusieurs groupes ont préféré prendre les devants face aux incertitudes planant désormais sur les produits Huawei.
Mercredi, les opérateurs nippons KDDI et SoftBank Corp avaient dit reporter le lancement de nouveaux modèles. Le pionnier NTT Docomo a également indiqué « stopper les commandes » d’un téléphone Huawei qu’il prévoyait de lancer cet été.
Huawei s’est classé en 2018 au cinquième rang au Japon, loin derrière Apple mais en forte progression avec des ventes de près de 2 millions d’unités (+63% sur un an).
C’est donc une goutte d’eau pour le colosse chinois des télécommunications, premier fournisseur mondial de réseaux et deuxième fabricant de smartphones au monde (206 millions d’appareils écoulés en 2018).
« Mesure temporaire »
Mais ses déboires ne se cantonnent pas au Japon. Le groupe fondé en 1987 a également subi une déconvenue au Royaume-Uni mercredi: les opérateurs EE et Vodafone ont exclu les smartphones Huawei compatibles 5G de leurs précommandes en amont du lancement de leurs réseaux respectifs dans les semaines à venir.
La commercialisation ne reprendra pas « jusqu’à ce que nous ayons l’assurance à long terme que nos consommateurs qui achètent ces produits seront soutenus tout au long de la durée de vie de l’appareil », a affirmé le directeur général d’EE, Marc Allera.
Un porte-parole de Vodafone a expliqué qu’il s’agissait d' »une mesure temporaire tant que des incertitudes entourent les nouveaux modèles 5G de Huawei ».
Ces annonces représentent de nouveaux coups durs pour Huawei après l’annonce dimanche de Google: le mastodonte américain a fait savoir que son système Android, qui équipe l’immense majorité des téléphones dans le monde, n’équiperait plus les futurs smartphones du chinois.
Du côté des réseaux, EE a confirmé de surcroît qu’il allait se séparer progressivement des équipements Huawei. Le groupe chinois a néanmoins souligné auprès de l’AFP que cet abandon par EE ne concernait que la partie la plus sensible des infrastructures 4G.
Repli des Bourses asiatiques
Pourrait s’ajouter à la liste le britannique ARM. Le groupe, qui conçoit des semi-conducteurs utilisés par l’ensemble de l’industrie des télécoms, pourrait lui aussi cesser de travailler avec le géant chinois, selon la BBC se basant sur des documents internes à l’entreprise.
« Il est difficile d’évaluer précisément à ce stade l’ampleur de l’impact de l’interdiction américaine sur l’activité de Huawei », a commenté pour l’AFP Hiroyuki Kubota, analyste financier indépendant spécialiste des tensions commerciales sino-américaines. « Mais ce qui est clair, c’est que ses ventes vont être affectées négativement ».
Toutefois, « si Huawei accélère le développement de son propre système d’exploitation, vu la taille conséquente du marché chinois », il pourrait s’en sortir, souligne-t-il, à la différence des fabricants japonais de smartphones qui ont été balayés par la vague Apple.
Cette recrudescence des tensions commerciales affectait jeudi les marchés asiatiques: à la Bourse de Tokyo, l’indice vedette Nikkei perdait 0,82% à la mi-journée, tandis que les places chinoises ont ouvert en nette baisse.
Par Kyoko HASEGAWA – Tokyo (AFP) – © 2019 AFP