Ils fêtent leur victoire dans les rues de Paris. Ils chantent, ils sautent, ils jubilent. Ils ont gagné ! Ils ont gagné ! Le mondial de la cruauté ? Le droit de prolonger d’un jour, un de plus, et un autre encore, et encore et encore, le calvaire d’un pauvre homme, emmuré dans un corps, sans voix, sans force, sans vie. Chacun de ces jours pour lui durera une éternité. Gisant dans son lit cercueil, il ne partage pas leur joie. Leur victoire n’est pas la sienne. Est-elle vraimentcelle de leur dieu ?
Car c’est au nom de toi, dieu miséricordieux, que les « combattants de la vie » condamnent Vincent Lambert à brûler, à petit feu, dans une cellule dont nul ne pourrait s’évader*. Enfermé dans son corps meurtri, à perpétuité. Au nom de toi, ses parents retiennent de force ici-bas, depuis dix ans déjà, leur fils que tu as pourtant tenté de rappeler à toi. Au temps pour ta toute-puissance. Sans leur intervention, il serait tranquillement assis à tes côtés, dans un monde de clarté, exempt de conflits et douleurs. Peut-être ailleurs, qui sait. En tout, cas dans un monde meilleur.
Ceux qui ne jurent que par toi n’hésitent pas à adapter tes lois à leurs besoins et s’immiscer dans tes desseins. Ils osent, toujours en ton nom, prohiber l’avortement, imposant à des femmes, adolescentes, fillettes, de revivre à l’infini le souvenir empoisonné de leur viol ou inceste. Au nom de leur amour pour toi, ils boudent les sources de joie dont tu as gorgé notre corps. Pour imposer ta loi, ils ne rechignent pas à l’enfreindre, haïssant, tuant, mutilant. Au nom de leur crainte de toi, ils interdisent, ils terrifient. En ton nom, ils transforment la terre que tu nous as confiée, notre paradis, en enfer. Et la mort salvatrice de Vincent Lambert, en calvaire.
Alors, s’il te plaît, toi, leur dieu, qui a su ordonner à la lumière d’être, et elle fut, profère une de tes bonnes paroles pour doter ces hommes de raison. Libère ce prisonnier de combats idéologiques qui ne l’intéressent plus. Arrache-le aux griffes de ceux qui se réjouissent aux dépens de sa dignité ? Tranche enfin. Sois un dieu. Abrège ses souffrances.
Catherine Fuhg
* : Tétraplégique et en état végétatif, Vincent Lambert est maintenu artificiellement en vie contre la volonté qu’il avait exprimée, lorsqu’il pouvait encore parler. Sa fillette jeune de deux mois lorsqu’il l’a embrassée pour la dernière fois, le jour de son accident, a aujourd’hui dix ans.