Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a été renversé lundi par une motion de censure votée par les principaux partis d’opposition, dix jours après le scandale de l’Ibizagate qui a fait exploser la coalition qu’il avait formée avec l’extrême droite.
Encore cité il y a peu en modèle par les tenants d’une droite dure en Europe pour son alliance avec le FPÖ, le chef de gouvernement conservateur a lui-même été emporté par la crise politique qui a impliqué son ancien allié. Il a donné rendez-vous à ses soutiens pour les législatives anticipées de septembre.
A 32 ans, le plus jeune dirigeant d’Europe devient le premier chancelier autrichien à être renversé par une motion de censure, et celui dont le mandat aura été le plus bref, en dépit d’une popularité au plus haut.
Au pouvoir depuis fin 2017, il a vu son sort scellé par la décision lundi du FPÖ de voter la défiance aux côtés des sociaux-démocrates du SPÖ. Ces deux formations cumulent une majorité de 103 mandats dans l’hémicycle de 183 sièges.
Il appartient désormais au président Alexander Van der Bellen de former un gouvernement technique intérimaire qui expédiera les affaires courantes jusqu’à l’automne. Cette équipe, que le chef de l’Etat veut consensuelle, sera choisie dans les prochains jours.
En attendant, c’est le ministre des Finances Hartwig Löger que le président a mandaté lundi soir pour conduire les affaires du gouvernement.
‘Je suis toujours là’
Le départ forcé de M. Kurz intervient paradoxalement après que son parti ÖVP a recueilli dimanche le meilleur score jamais enregistré par une formation autrichienne à des européennes depuis l’adhésion du pays en 1995, avec de 34,9% à 35,4% des voix selon les projections.
Selon plusieurs analystes, le chef des conservateurs a désormais les coudées franches pour préparer les législatives.
« En septembre, ce sera le peuple qui décidera », a souligné M. Kurz lors de sa première apparition publique après la motion de censure. « Je suis toujours là et nous nous battrons. Le changement que j’ai initié il y a deux ans ne s’arrêtera pas », a-t-il martelé dans un discours aux allures de lancement de campagne.
Avant le vote de la motion de censure lundi, Sebastian Kurz avait jugé que « personne dans le pays ne pourra comprendre la volonté de renverser le gouvernement », une décision susceptible selon lui de nuire à la stabilité du pays.
Mais le FPÖ ne lui a pas pardonné d’avoir été écarté sans ménagement du gouvernement dans la foulée des révélations désastreuses de l’Ibizagate.
Pour l’ex-chef du FPÖ, Heinz-Christian Strache, acculé à la démission de tous ses mandats après ce scandale, exiger le départ du chancelier était « logique ». La « confiance a disparu », avait lancé le secrétaire général de la formation Harald Vilimsky.
La coalition ÖVP-FPÖ a volé en éclats avec la diffusion le 17 mai d’une vidéo piège tournée en 2017 sur l’île espagnole d’Ibiza, dans laquelle M. Strache se montrait prêt à offrir à la fausse nièce d’un oligarque russe d’importants marchés publics en échange de financements illégaux.
La chute de celui qui dirigeait le FPÖ depuis quatorze ans et occupait le poste de vice-chancelier dans la coalition formée 18 mois plus tôt avec la droite a conduit au départ de tous les autres ministres FPÖ du gouvernement.
Une opinion favorable
Sebastian Kurz entendait se maintenir au pouvoir jusqu’aux législatives et incarner « la stabilité ». Il a reproché aux sociaux-démocrates et à l’extrême droite d’avoir formé « une coalition » pour le renverser. Ces deux partis lui ont à l’inverse reproché de vouloir gouverner seul, sans majorité.
Selon un récent sondage, la majorité des Autrichiens restaient favorables au maintien de M. Kurz à la chancellerie.
Les sociaux-démocrates n’ont au demeurant pas profité des déboires du gouvernement, accusant un léger recul aux européennes avec 23,4% des suffrages.
L’extrême droite estime pour sa part avoir limité la casse avec ses 17,2%, en recul d’un peu plus de deux points par rapport à 2014.
« Sur la base de ce résultat, nous allons pouvoir emmagasiner beaucoup, beaucoup de points aux législatives » de septembre, a prédit Norbert Hofer, le nouveau patron du FPÖ, une formation ancrée dans la vie politique autrichienne depuis un demi-siècle.
Pour l’expert politique Thomas Hofer, Sebastian Kurz, au parcours d’enfant prodige de la politique, conserve toutes ses chances aux prochaines élections, l’économie autrichienne se portant bien et la ligne dure des conservateurs sur l’immigration étant largement soutenue par l’opinion.
Par Sophie MAKRIS et Philippe SCHWAB – Vienne (AFP) – © 2019 AFP