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08H32 - mercredi 12 juin 2019

Les manifestants paralysent Hong Kong, report de l’examen d’un texte controversé

 

Des protestataires occupent les deux autoroutes à proximité du siège du gouvernement de Hong Kong, le 12 juin 2019 AFP / Anthony WALLACE

 

Les autorités hongkongaises ont reporté mercredi l’examen d’un projet de loi controversé visant à autoriser les extraditions vers la Chine alors que des dizaines de milliers de manifestants bloquaient plusieurs artères principales au coeur de la ville pour dire leur refus du texte.

Des milliers de protestataires vêtus de noir, pour la plupart des jeunes gens, encerclaient les bâtiments du gouvernement dans le centre de l’île de Hong Kong afin d’exiger le retrait du projet soutenu par Pékin. La circulation était paralysée tandis que la Bourse de ce haut lieu de la finance internationale reculait de plus de 1,5%.

Les rangées de policiers anti-émeutes déployées pour l’occasion, portant pour bon nombre d’entre eux des masques, des casques et des lunettes de protection, étaient bien moins nombreux que les protestataires.

Ces derniers s’étaient mobilisés en vue de l’examen en deuxième lecture par le Conseil législatif (Legco, Parlement) du projet de loi. Mais alors que les foules continuaient d’enfler, le président de cette assemblée dominée par les députés proPékin a annoncé que les débats étaient reportés à une « date ultérieure ».

Les manifestants s’opposent à l’autorisation d’extradition vers la Chine AFP/Archives / Anthony WALLACE

 

Comme en écho à l’immense mouvement prodémocratie de l’automne 2014 qui avait paralysé des quartiers entiers de la mégapole pendant plus de deux mois, les manifestants ont envahi des voies principales de circulation du centre-ville, bloquées à l’aide de barrières métalliques.

Certains protestataires arrachaient des pavés sur les trottoirs. Selon la télévision RTHK, des manifestants ont garé leur voiture en plein milieu d’une grande artère.

Des policiers gardant le LegCo ont fait usage de gaz au poivre et de canons à eau à l’encontre des manifestants, brandissant également des pancartes pour les avertir qu’ils étaient prêts à utiliser la force en cas d’assaut de la foule.

L’ancienne colonie britannique fut le théâtre dimanche de la plus importante manifestation jamais organisée depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, réunissant selon les organisateurs un million de personnes.

 

Hymne national chinois hué

 

Mais cette mobilisation spectaculaire dans une ville de sept millions d’habitants n’avait pas fait bouger la cheffe du gouvernement local Carrie Lam, qui a rejeté toute éventualité de retirer le projet de loi. Elle a également mis en garde l’opposition contre toute « action radicale ».

Le texte a suscité les critiques de pays occidentaux ainsi qu’une levée de boucliers de Hongkongais qui redoutent une justice chinoise opaque et politisée, et pensent que cette réforme nuira à l’image internationale et l’attractivité du territoire semi-autonome.

Au terme de l’accord de 1984 entre Londres et Pékin qui a présidé à son retour dans le giron chinois, Hong Kong jouit d’une semi-autonomie et de libertés n’existant pas en Chine continentale et ce, en théorie, jusqu’en 2047.

AFP / Anthony WALLACE

La ville est cependant depuis une dizaine d’années le théâtre d’une forte agitation politique en raison de l’inquiétude générée par l’ingérence grandissante de Pékin dans ses affaires intérieures, et par le sentiment que le fameux principe « Un pays, deux systèmes » n’est plus respecté.

Plus d’une centaine d’entreprises et de commerces ont annoncé leur fermeture mercredi en signe de solidarité avec les opposants au texte. Les principaux syndicats étudiants ont appelé au boycottage des cours pour permettre aux élèves de participer à la protestation.

Des enseignants, infirmières et travailleurs sociaux ont également fait part de leur volonté de cesser le travail dans ce territoire où les grèves sont rares.

Des supporteurs de football hongkongais ont hué l’hymne national chinois lors d’un match à domicile contre Taïwan mardi soir.

 

Il y aura du sang

 

« C’est le gouvernement qui force les gens à l’escalade », assurait mercredi Lau Ka-chun, un manifestant de 21 ans.

Le projet de loi doit permettre les extraditions vers toutes les juridictions avec lesquelles aucun accord bilatéral n’existe, y compris la Chine continentale.

Un vote final sur le texte était attendu le 20 juin. Les autorités n’ont pas annoncé de date pour la reprise des débats au LegCo.

« La seule chose responsable à faire à présent c’est que Carrie Lam retire ce projet maléfique, ou au moins le mette au placard pour résoudre la crise », a déclaré le député démocrate Fernando Cheung. « Si elle passe en force, si elle demande à la police de faire usage de la violence, j’ai peur que les enfants de Hong Kong ne soient blessés, qu’il y ait du sang ».

Le projet, disent les autorités, doit combler un vide juridique et faire que la ville ne soit plus un asile pour certains criminels. Elles assurent que des garde-fous existent en matière de droits humains et qu’il ne visera pas les opposants politiques à la Chine.

Mais après des années de tensions, nombre de Hongkongais ne croient plus aux promesses de leur exécutif et se méfient des intentions du gouvernement chinois.

Lors du « Mouvement des parapluies » de la fin 2014, les manifestants avaient réclamé l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel. Pékin n’avait rien lâché.

L’opposition au projet réunit des franges très diverses de la population hongkongaise. Le diocèse catholique de Hong Kong a ainsi exhorté Mme Lam, une catholique fervente, à renoncer.

Pékin a répliqué en apportant son « ferme » soutien au texte, dénonçant également les « ingérences extérieures » dans les affaires de Hong Kong.

 

Elaine YU, Helen ROXBURGH

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