Après quatre mois d’audiences, le procès historique de douze indépendantistes catalans pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017 s’est achevé mercredi en Espagne pour déboucher d’ici plusieurs mois sur un jugement ultra-sensible politiquement.
Anciens membres du gouvernement catalan, ex-présidente du parlement régional ou présidents d’associations indépendantistes, ces douze séparatistes sont jugés par la Cour suprême pour avoir organisé le 1er octobre 2017 un référendum d’autodétermination, interdit par la justice, suivi le 27 du même mois d’une vaine déclaration d’indépendance votée par le parlement catalan.
En détention provisoire, comme huit autres, l’ex-vice-président catalan Oriol Junqueras est le principal accusé en l’absence de l’ancien président régional, Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique où il échappe aux poursuites. Elu député espagnol et européen durant le procès, il encourt 25 ans de prison.
Les partisans des indépendantistes, qui les qualifient de « prisonniers politiques », ont appelé à manifester à Barcelone où un écran géant va être monté pour suivre les déclarations des accusés dans l’après-midi. « Ce jugement est une anomalie démocratique », a affirmé Abel Vilà, étudiant de 25 ans, drapeau indépendantiste à la main.
« Violence » controversée
« Je suis accusé pour mes idées et pas pour mes actes », avait soutenu Oriol Junqueras à l’ouverture du procès en février, un discours très politique face au président du tribunal Manuel Marchena, qui a été très attentif à ce que les débats soient équilibrés en sachant que les accusés saisiront la Cour européenne des droits de l’homme.
La justice et le gouvernement espagnols ne cessent pour leur part de marteler que les accusés ne sont pas jugés pour leurs idées mais pour avoir enfreint la loi.
Condition indispensable du délit de rébellion, dont sont accusés 9 des 12 indépendantistes, l’existence ou non d’un soulèvement violent aura été la question centrale de ce procès.
Le parquet n’a pas hésité à qualifier les évènements de 2017 de « coup d’Etat » s’étant déroulé dans un « climat d’insurrection ».
Les juristes sont en revanche divisés sur le sujet, tandis que la défense balaie la rébellion. Elle souligne que la violence est venue quasi-exclusivement des forces de l’ordre envoyées pour empêcher le référendum.
Pour les avocats des indépendantistes, ces derniers sont coupables au pire de désobéissance, délit sanctionné d’une simple peine d’inéligibilité.
« Le récit des faits (de l’accusation) ne correspond pas à la réalité », a insisté mercredi Marina Roig, l’avocate de Jordi Cuixart, l’un des accusés.
Polarisation
Les points de vue diamétralement opposés des deux parties reflètent le débat tout aussi polarisé hors de la Cour suprême.
Plus d’un an et demi après la tentative de sécession, la Catalogne est toujours gouvernée par les indépendantistes et profondément divisée tandis que la question catalane reste au centre du débat politique national.
Le socialiste Pedro Sanchez, chef du gouvernement espagnol qui a entamé des tractations avec les partis pour être reconduit au pouvoir, cherche à se passer du soutien des séparatistes catalans. Ceux-ci lui ont rendu la vie impossible depuis le début du procès, précipitant notamment la convocation de législatives anticipées en avril en refusant d’aprouver le budget de l’Etat.
Pour l’analyste politique Josep Ramoneda, dans ce contexte, « il est assez hypothétique que les gouvernements espagnol et catalan puissent se mettre à dialoguer », les séparatistes persistant à réclamer un référendum d’autodétermination dont Madrid ne veut pas entendre parler.
Et « quelle qu’elle soit, la sentence sera interprétée par le mouvement indépendantiste comme un élément auquel s’accrocher pour tenter de mobiliser à nouveau », estime Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone.
Diego URDANETA