Après trois mois de grève dans les services d’urgence, Agnès Buzyn a tenté vendredi d’apaiser la colère en promettant 70 millions d’euros de mesures immédiates, notamment pour financer des primes, sans toutefois convaincre les professionnels réunis au ministère de la Santé.
Une large part de ce montant (55 millions) sera consacrée à la généralisation et la revalorisation d’une prime « de risque » de « 100 euros net mensuels », versée dès juillet « à tous les professionnels des services d’urgence (hors médecins) », a précisé le ministère.
Cette prime concernera environ « 30 000 personnes », a précisé la ministre de la Santé qui venait de recevoir les médecins, infirmiers, syndicats et directeurs hospitaliers.
Il s’agit pour Mme Buzyn de « prendre en compte » la « situation particulière » des personnels des urgences, qui font parfois face à « des patients violents » et à des « incivilités », a-t-elle ajouté devant la presse.
Une prime de coopération de 100 euros brut mensuels sera en outre mise en place pour les infirmiers et aides-soignants à qui seront déléguées des tâches médicales. A ces bonus s’ajoute une enveloppe de 15 millions d’euros censée permettre « aux services d’urgence en tension » de « renforcer leurs effectifs paramédicaux durant la période estivale et de maintenir ainsi un maximum de lits ouverts », selon un communiqué du ministère.
Enfin le plafonnement des heures supplémentaires sera rehaussé, à 20h par mois.
Ces annonces ont laissé les professionnels mitigés. « 15 millions sur 600 services d’urgences c’est une goutte d’eau dans un océan, a affirmé à l’AFP Patrick Bourdillon de la CGT Santé, en déplorant que la ministre se soit « refusée à un moratoire » sur les fermetures de lits, « première des revendications ».
« Des effets d’annonce sur les primes avec beaucoup d’incertitudes, des protocoles de coopération seulement pour les infirmiers… », a déploré Hugo Huon du collectif Inter-urgences qui avait initié le mouvement mi-mars. La grève touchait 106 services vendredi, selon ce collectif informel.
Mme Buzyn avait annoncé sans détails les grandes lignes de ces mesures la semaine dernière, à côté d’une « mission nationale » pour refonder les urgences, qui n’avaient pas alors convaincu les professionnels concernés.
Cocotte-minute
La première réunion de cette mission s’est donc tenue vendredi en présence du député LREM Thomas Mesnier, urgentiste de formation, et du Dr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière et chef du Samu de Paris.
Une cinquantaine de participants avaient été conviés, dont les cinq principaux syndicats des hôpitaux publics (CGT, FO, CFDT, SUD, Unsa), ainsi que le collectif Inter-urgences, les trois grandes fédérations d’établissements (FHF, FHP, Fehap), l’Ordre des médecins et celui des infirmiers.
« On aura un rapport à rendre pour novembre », a rappelé vendredi M. Mesnier sur BFMTV, en assurant que le projet de loi santé adopté mardi au Sénat permettrait d’attaquer « le mal à la racine ».
Mais sur le terrain, les professionnels s’impatientent. A l’hôpital Saint-André de Bordeaux, l’un des trois sites principaux du CHU, 12 infirmiers sur 26 étaient en arrêt de travail et 7 aides-soignants sur 20, selon une gréviste – même si la direction faisait état d’un fonctionnement normal pour l’accueil des patients aux urgences.
A Roubaix (Nord) les personnels des urgences ont annoncé dès mercredi « rejoindre le mouvement de grève ». « C’est le burn-out général », a assuré la CGT, selon qui « les urgences sont devenues la cocotte-minute de l’hôpital ».
« La situation va s’aggraver car si la réforme de la ministre porte les fruits annoncés, ce sera au mieux dans cinq ans ou plutôt dans dix ans », déplorent une dizaine de pontes de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dans une tribune publiée vendredi dans Libération.
Le conflit a franchi un palier fin mai, lorsque des soignants de Lons-le-Saunier (Jura) ont été réquisitionnés à leurs domiciles pour pallier l’absence de leurs collègues en arrêt maladie. Depuis, des équipes entières se sont fait porter pâles à Paris et à Bordeaux.
Aurélie CARABIN