Qui ne connaît pas Largo Winczlav, alias Largo Winch ? Ce personnage de fiction imaginé par Jean Van Hamme (également scénariste de XIII et Thorgal) et dessiné par Philippe Francq. Depuis près de trente ans, notre héros des temps modernes évolue dans le milieu du luxe, des voyages et de la finance.
Comme Bruce Wayne (Batman), le jeune homme est beau, milliardaire, héritier d’un empire fondé par son père. Comme Bruce Wayne, la vie n’a pas été si difficile que ça. A croire qu’être bien né, facilite les aventures… Ou alors, serait-ce plus difficile d’imaginer un super-héros aller au turbin tous les matins au volant de sa Renault ? Non !
Comme toute représentation artistique, la série cherche à sublimer un réel pour représenter un monde émerveillé. Le dessin et le texte sont à la mesure de cette idée fantasmatique que nous nous faisons de l’univers de la finance, même si celui-ci a été largement écorné ces dernières années.
Mélanger avec maestria le rêve à la réalité
Belles nanas, beaux mecs, super décors, voyages à travers toute la planète, le cadre et les personnages servent les auteurs pour dérouler des intrigues « criminello financières ».
Et la grande force de cette série est de mélanger avec maestria le rêve à la réalité ! Rêve dans le crayon et les couleurs, réalité dans les intrigues.
Si les personnages, les lieux sont du domaine du fantasme absolu, les intrigues, elles, sont inspirées de la réalité crue… Mafia, corruption, triades chinoises, complots, jalousie, envie…
Et pour cela, la BD réalise une performance : vulgariser la haute finance internationale, un domaine souvent hors de portée du commun des mortels. Cette série maîtrise parfaitement tous les ressorts de la finance moderne… Elle réussit l’impossible : la rendre simple et abordable. C’est une des clés de la réussite : amener le lecteur dans un univers inaccessible et lui permettre de réaliser ainsi, grâce à cette vulgarisation, le temps de la lecture d’un numéro de la série, son fantasme : être milliardaire et le vivre !
Les intrigues sont toujours inspirées de la vie réelle, des mécanismes de la finance internationale. Peu après la crise mondiale des sub-primes de 2008, le n°13 titré « Mer noire » démarre par une lettre adressée par Largo à ses 500 000 collaborateurs où il décrit longuement les ressorts de cette crise. Une lettre didactique qui pourrait être une véritable leçon d’économie.
Ou le n° 3 titré « O.P.A. » qui utilise les mécanismes de cette technique de croissance qui fait le quotidien de l’actualité réelle de l’économie mondiale.
On comprend là que Jean VAN HAMME fut dans une première vie ingénieur commercial et agrégé d’économie politique. Il voyagea beaucoup dans sa première carrière où, dit-on, il devait parfois traiter avec des administrations corrompues pour les convaincre de travailler avec lui, et devait pour ce faire les soudoyer. Il y a là clairement les ferments de la série. Dira-t-on que Largo Winch est Jean VAN HAMME ?
Les auteurs réussissent en tout cas à chaque coup à faire voyager le lecteur, à oublier son quotidien et sa propre personnalité pour devenir quelques instants l’Homme le plus riche du monde, LARGO, et « jouer » à sa place dans cet univers du pouvoir et de l’argent.
Une vision de la finance très largovienne
La limite de la BD est de décrire un seul capitalisme, le pire, sauvage, anglo-saxon, poussé à son paroxysme ! Il ne laisse aucune place à des pratiques de la finance beaucoup plus humaines qui s’expriment pourtant dans le monde entier depuis des décennies. Il fallait bien entendu prendre le pire pour faire durer une série plus de 30 ans.
Mais les auteurs, s’ils dépeignent un milieu cruel, parfaitement immoral, laissent encore un espoir dans le système capitaliste anglo-saxon. Le héros total sauve le système financier à lui tout seul ! Largo, contrairement à son père dont il a hérité la fortune, se veut vertueux, généreux. Il refuse de licencier un seul salarié mais impose de diviser par deux les rémunérations de ses principaux dirigeants !
En haut de sa tour de verre, ou à bord de son yacht, notre héros sera embarqué toute sa vie dans des aventures extraordinaires qui le mèneront au bout du monde, et qui sait, donneront à la finance ses lettres de noblesse.
Finira-t-il par céder toute sa fortune à des œuvres caritatives ? Cédera-t-il toutes ses actions à l’ensemble de ses collaborateurs ? A bien réfléchir, ce serait la seule solution pour qu’il retrouve une vie tranquille et apaisée…
Daniel AARON et Laurent CARON
La Maison de l’Epargne, qui organise le concours d’affiches sur l’épargne solidaire, et le Club Frédéric Bastiat recevaient le 18 juin sur le thème : « Finance et bande dessinée : le cas Largo Winch » Philippe FRANCQ, Dessinateur de la BD LARGO WINCH, consacrée au milieu de la finance, et Éric GIACOMETTI, scénariste à partir du tome 21 de Largo Winch, écrivain, auteur des thrillers à succès parmi lesquels la série d’Antoine Marcas traduit dans 18 pays aux Editions JC Lattès.
[caption id="attachment_62849" align="alignnone" width="720"] La Maison de l’Epargne[/caption]