Le théâtre de Napoléon III au château de Fontainebleau, près de Paris, bijou précieux et symbole du raffinement bourgeois du Second Empire, rouvre à l’identique après 140 ans d’oubli et 12 ans de travaux, grâce à un chèque de 10 millions d’euros d’Abou Dhabi.
Soieries capitonnées, moquettes fleuries, ornements peints ou en carton-pierre doré, lustres et lampes, lourds drapés bleutés des rideaux de scène: tout dans ce théâtre et jusque dans les boudoirs, escaliers, vestibules qui l’entourent, donne l’impression d’un écrin préservé pour une époque douillette, luxueuse. Au moins pour l’aristocratie de cour…
Le 27 avril 2007, un projet de restauration étonnant voyait le jour. Cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyane, président des Emirats arabes unis, émerveillé par le spectacle de ce théâtre à l’abandon, signait un chèque devant le ministre de la Culture d’alors Renaud Donnedieu de Vabres. Le théâtre de Napoléon III était rebaptisé dans la foulée à son nom.
Douze ans plus tard, le ministre de la Culture Franck Riester et le président du château de Fontainebleau, Jean-François Hébert viennent rouvrir le théâtre situé dans l’aile Louis XV, en présence du chef de la diplomatie des Emirats, Abdallah ben Zayed Al-Nahyane.
Le cheikh est venu voir si le mécénat d’Abou Dhabi a bien restauré ce « bijou » et constater que tout y fonctionne dans les moindres détails. Une certain tension était palpable dans les derniers préparatifs à la veille du passage du grand mécène arabe.
« Tombé dans l’oubli, ce théâtre était dans un état presque parfait » quand il fut redécouvert, rappelle Jean-François Hébert. C’est d’abord que, sitôt construit, il n’avait été pratiquement pas utilisé –il aurait fonctionné une dizaine de fois entre 1857 et 1868 pour des spectacles devant quelque 400 courtisans.
Caprice impérial
A l’origine, c’était un pur « caprice impérial », a résumé le commissaire Vincent Cochet. Caprice si l’on considère le niveau de luxe dans les moindres revêtements, meubles, lustres et objets, et notamment l’emploi de la soie qui donne un effet de bonbonnière.
Sur la volonté de l’impératrice Eugénie, ce théâtre avait été créé de toutes pièces avec rapidité, au prix d’un travail jour et nuit. L’architecte était alors Hector Lefuel. Puis, l’Empire renversé, l’existence même de ce théâtre n’était plus évoquée. Il demeura portes fermées pendant plusieurs décennies.
Il ne s’est pas agi « de redonner à ce théâtre sa vocation première », étant donné « sa structure très fragile » de théâtre de cour, explique Jean-François Hébert.
« Ne dilapidons pas ce bijou, et montrons ce lieu extraordinaire du point de vue des arts déco. Quand on est à l’intérieur, on ne doit absolument pas voir qu’on est au XXIe siècle; on doit voir ce que les yeux de Napoléon III et Eugénie ont vu », dit-il.
La vocation du théâtre impérial est donc d’abord muséographique, même si de courts spectacles ou récitals peuvent y être donnés à titre exceptionnel, avec des mesures de sécurité, notamment antifeu, très strictes.
Patrick Ponsot, architecte en chef des monuments historiques, souligne que les murs, les sols, les voûtes étaient pleins de mérule (due à l’humidité intense sur le site du château), d’amiante et de plomb, qu’il y avait des fissures un peu partout. Tout cela a été corrigé.
Écran, câbles, ascenseur: toutes choses qui auraient été nécessaires si l’on avait voulu faire une salle de spectacle d’aujourd’hui, ont été bannis.
La restauration s’est efforcée de « déposer le moins possible de matériaux anciens », a expliqué le commissaire. 80% des matériaux d’origine ont été ainsi délicatement conservés. Les tapis et tentures abîmées ont été restaurées à l’identique.
Les décors de scène ont été préservés le plus possible et le lustre central en bronze ciselé et garniture de cristal (3 m de haut, 2,50 de diamètre) qui s’était écroulé, a été restauré dans sa superbe.
Jean-Louis DE LA VAISSIERE