Edito
11H08 - mercredi 19 juin 2019

Édouard Philippe : pas d’ambitions… municipales, mais après ? L’édito de Michel Taube

 

La conquête du pouvoir est un monde sans pitié. Les engagements (de fidélité) d’aujourd’hui peuvent voler en éclat demain, nul n’en est dupe. Mais plusieurs éléments objectifs laissent supposer qu’au-delà de la personnalité du Premier ministre, dont le profil et le parcours ne correspondent guère à celui d’un requin assoiffé de pouvoir, le tandem actuel à la tête de l’exécutif n’est pas éphémère.

Le 17 juin, le Premier ministre était l’invité de l’Émission C à vous sur France 5, légèrement pimentée par quelques échanges sur les notes naguère obtenues au bac par le jeune Edouard Philippe. Mais surtout, le chef du Gouvernement y réitéra sa fidélité totale au président Emmanuel Macron et son engagement à mener à son terme la politique de l’élu de l’Élysée, qu’il fait sienne. En conséquence de quoi, Édouard Philippe rejette toute idée d’une éventuelle candidature au poste de maire du Havre, qu’il occupa avant de prendre ses fonctions à Matignon, à l’occasion des prochaines élections municipales de 2020.

Selon lui, « Matignon n’est pas une rampe de lancement pour qui que ce soit ». Surtout pas pour devenir le maître du Havre, cela est évident.

Édouard Philippe, qui est donc l’ancien et non le futur maire du Havre, a martelé sa volonté d’inscrire son action dans la durée, au-delà du quinquennat, mais toujours au service du Président de la République, à la réélection duquel il dit vouloir travailler.

La politique, et tout particulièrement les vicissitudes de la lutte pour le pouvoir, devrait nous conduire à n’accorder aucun crédit à ce type de déclaration. Nul n’ignore qu’en cette matière plus que dans d’autres, l’appétit vient en mangeant, que l’ivresse du pouvoir peut décupler les ambitions personnelles… On se souvient un certain Balladur, un Lionel Jospin, un Manuel Valls…

Matignon a parfois été un tremplin pour l’Élysée, du moins a-t-il pu être utilisé comme tel avec plus ou moins de succès. Toujours est-il que seuls les Havrais connaissent le nom de leur maire et que tout le monde connaît celui du Premier ministre.

Ainsi, si en politique, « chacun se dit ami, mais fou qui s’y repose ; rien n’est plus commun que le nom, rien n’est plus rare que la chose » (Jean de La Fontaine), et qu’aucune hypothèse ne peut d’emblée être totalement écartée, plusieurs éléments objectifs permettent de présumer que le tandem Macron-Philippe est solide et que la fidélité affirmée du Premier ministre n’est pas factice.

Leur botte secrète : la complémentarité des styles, le pragmatisme de la méthode, le respect mutuel. Nicolas Sarkozy avait blessé l’animal politique Fillon en le traitant de « principal collaborateur ».

Et puis Emmanuel Macron et Édouard Philippe partagent la philosophie du pragmatisme dans le respect des principes républicains. Gouverner, c’est choisir, mais aussi gérer des contradictions. Au fond, « en même temps », ce n’est pas seulement un slogan, mais la réalité de la vie, au-delà de la politique.

Après que l’exécutif a mené une politique dite de l’offre, globalement considérée comme libérale, et donc de droite, le mouvement des gilets jaunes l’a conduit à une inflexion plus « gauchière », au point que l’on évoque parfois un revirement radical vers une politique de la demande, par la relance de la consommation et une taxation plus forte des entreprises. Ce serait aller un peu vite en besogne, car pareille volte-face ne serait pas très conforme à l’esprit initial du « en même temps ». Du reste, la réforme de l’assurance-chômage présentée le 18 juin 2019 est déjà rejetée en bloc par les syndicats.

Certains pensaient que l’inflexion à gauche, si relative soit-elle, de la politique gouvernementale provoquerait quelques remous dans les rangs des ex-Républicains partis rejoindre Emmanuel Macron, à commencer par le désormais plus illustre d’entre eux : Édouard Philippe. Or, c’est exactement le contraire qui s’est produit au lendemain des élections européennes : la droite n’en finit pas d’éclater, au bénéfice d’Emmanuel Macron, officiellement rejoint par 72 maires LR… Et d’Edouard Philippe, sans oublier Gerald Darmanin et Sébastien Lecornu.

Au final, le vrai vainqueur des Européennes, c’est le couple Macron – Philippe.

 

Michel Taube

Directeur de la publication